Le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE) doit recevoir ce matin pas moins de 1000 mémoires au sujet de l'exploitation de mines d'uranium au Québec, a appris La Presse.

Avec les 500 mémoires déjà déposés jusqu'ici, pour un total de 1500, cette enquête du BAPE fracasse les records. Par exemple, l'enquête du BAPE sur l'industrie du gaz de schiste a suscité 200 mémoires.

Dans ce cas, le sujet touchait des régions relativement peuplées, notamment la Montérégie.

Il y a deux projets uranifères au Québec. À Sept-Îles, celui de l'entreprise Terra Ventures est au point mort, après avoir suscité une levée de boucliers en 2009.

L'autre, le projet Matoush, de l'entreprise Strateco, à 275 km au nord de Chibougamau, est bloqué depuis mars 2013, quand le gouvernement du Québec a suspendu toutes les démarches visant à l'autoriser et a déclenché l'enquête actuelle du BAPE sur les «enjeux de la filière uranifère au Québec».

Selon Christian Simard, directeur général de Nature Québec, le nombre de mémoires est un signe de l'opposition aux mines d'uranium. «C'est impressionnant, on sent vraiment un vent défavorable à l'exploitation de ce minerai radioactif au Québec», dit-il dans un projet de communiqué obtenu par La Presse.

Nature Québec fait partie de la Coalition Québec meilleure mine, qui a mis à la disposition du public cinq mémoires types portant sur les enjeux de santé, d'environnement, d'économie, des droits des Autochtones et des municipalités.

Guy Hébert, président de Strateco, conteste l'impact de ce nombre sans précédent de mémoires. «Je pense que les gens de Québec meilleure mine avaient des mémoires tout préparés, dit-il. J'espère que le BAPE va faire la part des choses.»

«On a suivi les audiences par vidéo et on a observé que les salles étaient vides», ajoute-t-il au sujet de la première phase des audiences, qui s'est déroulée en septembre.

Ce que conteste Ugo Lapointe, de Québec meilleure mine. «À Sept-Îles, la situation est réglée, le BAPE arrive trop tard, mais à Kipawa et dans d'autres villes, les salles étaient pleines, dit-il. On s'attend à une participation importante même à Sept-Îles pour la présentation des mémoires.»

M. Hébert reproche aux opposants d'avoir stimulé la participation en faisant tirer des prix. Il a fait parvenir à La Presse une invitation à cet égard d'une association jeunesse de la communauté crie offrant une tablette numérique pour le meilleur mémoire.

À ce sujet, Ugo Lapointe affirme que c'est la quatrième fois que les Cris sont consultés sur la question, ce qui peut entraîner une certaine fatigue. «Il faut mobiliser les gens, d'autant qu'ils ont déjà dit non», dit-il.

Le procédé des mémoires types n'est pas nouveau, mais il n'a jamais suscité une aussi grande participation, selon Me Jean Baril, administrateur au Centre québécois du droit de l'environnement (CQDE). «1500 mémoires, ce sera certainement un record», dit-il.

Mais cela ne devrait pas être déterminant, ajoute-t-il. «J'ai toujours dit que je ne trouvais pas ça particulièrement utile pour la délibération publique. Ce n'est pas un processus de pétition, c'est la qualité des mémoires et des arguments qui compte. Il pourrait n'y avoir que deux mémoires percutants et ce serait bon.»

Participation internationale

Par contre, il voit d'un bon oeil la participation étrangère aux consultations.

En effet, selon Ugo Lapointe, de Québec meilleure mine, le BAPE pourra entendre des groupes provenant de régions où des mines d'uranium sont exploitées, notamment le nord de la Saskatchewan et le territoire navajo, dans le sud-ouest des États-Unis.

«Je n'ai pas souvenance d'un BAPE où des groupes internationaux sont intervenus, dit Me Baril. C'est intéressant parce qu'ils ont une expérience qui peut amener de bonnes questions. Alors ça montre l'intérêt du processus du BAPE.»

Le BAPE entendra les auteurs des mémoires entre le 11 novembre et le 15 décembre, dans plusieurs régions du Québec.