Le Canada a échoué à faire infirmer en appel une décision de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) justifiant l'embargo européen sur les produits du phoque, mais s'accroche à la conclusion que certains de ses aspects violent tout de même des règles commerciales internationales.

Un comité d'appel de l'OMC a confirmé jeudi la décision initiale, selon laquelle l'interdiction se justifie par des considérations d'ordre éthique sur le bien-être des animaux, tout en convenant que des exemptions à l'embargo n'ont pas été appliquées équitablement.

Le comité de trois membres conclut que l'interdiction est appliquée «de façon à constituer un moyen de discrimination arbitraire ou injustifiable», particulièrement en ce qui a trait à l'exemption accordée aux communautés «indigènes ou inuites».

Il conclut que l'Union européenne (UE) n'a pas suffisamment démontré comment son approche à l'égard des produits du phoque de communautés autochtones par rapport à la chasse commerciale «pouvait répondre à l'objectif de prise en compte des préoccupations morales du public concernant le bien-être des phoques».

Le comité d'appel a aussi déterminé une «ambiguïté considérable» dans l'utilisation de mots tels que «subsistance» pour la chasse des Inuits. Et il soulève l'inquiétude que des critères vagues puissent permettre à des produits du phoque provenant de chasses commerciales de se retrouver sur les marchés de l'UE en vertu des exemptions accordées aux Inuits.

Le Canada et la Norvège avaient d'abord contesté devant l'OMC l'embargo décrété par les 28 pays membres de l'UE en 2010, portant sur l'importation et la vente de viande, de fourrures et d'autres produits du phoque.

L'OMC a estimé en novembre dernier que si les interdictions imposées par l'Union européenne (UE) aux importations de produits du phoque violaient effectivement des règles commerciales, elles pouvaient néanmoins se justifier par des considérations d'ordre éthique. Le Canada a aussitôt porté en appel cette décision.

Dans sa décision de jeudi, le comité d'appel de l'OMC estime aussi, comme le déterminait la décision de novembre, que certaines exemptions n'accordent pas le même accès aux marchés aux produits du phoque du Canada et de la Norvège que ceux du Groenland.

Terry Audla, président de l'organisme Inuit Tapiriit Kanatami, qui représente environ 55 000 Inuits canadiens, a indiqué que les Autochtones n'ont jamais été consultés sur l'embargo et ses exemptions inéquitables - et qu'ils ne les ont jamais appuyés.

«Je suis personnellement outré par l'arrogance et l'attitude moralisatrice de l'UE, qui prétend vouloir protéger la morale de ses citoyens», a-t-il indiqué. Les chasseurs inuits ne veulent que subvenir aux besoins de leur famille dans une économie moderne, «un droit fondamental pour tous les citoyens», a-t-il dit.

Le gouvernement canadien, lui, a affirmé jeudi par communiqué que la décision en appel confirme que l'interdiction est «appliquée de façon arbitraire et injustifiable», et qu'elle viole les obligations commerciales internationales de l'Europe.

«Le Canada est d'avis que la chasse aux phoques dans l'Est et dans le Nord est une activité humaine, durable et bien réglementée qui constitue une importante source de nourriture et de revenus pour les collectivités côtières et inuites», indique le gouvernement. «L'embargo de l'UE sur les produits du phoque n'était qu'une décision d'ordre politique aucunement fondée sur les faits et les données scientifiques.»

Le gouvernement fédéral disait devoir encore examiner la décision, mais des groupes de défense des droits des animaux ont qualifié de victoire ce jugement en appel.

«L'interdiction nécessitera certains amendements pour se conformer (à la décision) de l'OMC, a fait valoir la directrice exécutive de Humane Society International-Canada, Rebecca Aldworth. Néanmoins, il s'agit de très petits amendements qui seront, je crois, instaurés très rapidement. Et ultimement, l'interdiction pourra demeurer pratiquement dans son état actuel.»