L'administration américaine a prolongé vendredi la période de consultations de l'oléoduc Keystone XL entre le Canada et les États-Unis, reportant de facto une probable décision finale sur ce projet politiquement explosif après les élections législatives de novembre.

Pour justifier sa décision, le département d'État a invoqué un litige devant la justice de l'État du Nebraska (centre) que doit traverser un tronçon de l'oléoduc. Mais la diplomatie américaine, dont le chef John Kerry doit donner sa recommandation finale, s'est attirée les foudres de l'opposition républicaine, ardente partisane de ce projet géant censé engendrer des dizaines de milliers d'emplois.

Le ministère des Affaires étrangères a annoncé avoir prolongé la période de consultation avec des administrations fédérales concernées par ce dossier des plus épineux. Le Canada, qui avec les républicains américains défend bec et ongles Keystone XL, s'est dit «déçu que la politique continue à retarder la décision» finale, selon les mots de Jason MacDonald, porte-parole du premier ministre Stephen Harper.

À l'inverse, des écologistes et des élus démocrates aux États-Unis ne veulent pas de ce projet.

Le département d'État a «notifié à huit agences fédérales qu'il leur fournirait plus de temps pour soumettre leurs avis sur le projet d'oléoduc Keystone». En effet, ces administrations «ont besoin de plus de temps en raison de l'incertitude provoquée par le contentieux en cours devant la Cour suprême du Nebraska qui pourrait au bout du compte affecter le tracé de l'oléoduc dans cet État», a expliqué le département d'État.

En février, un juge du Nebraska avait annulé une portion du tracé approuvé en 2013 par le gouverneur de l'État.

«Nous n'avons pas d'avis sur l'affaire au Nebraska (mais) cela pourrait d'une certaine manière conduire à confirmer ou à modifier le tracé actuel de l'oléoduc, un tracé au coeur de notre analyse environnementale pour ce projet», a explicité un diplomate américain.

Ce responsable a nié que son gouvernement ait «l'intention de retarder le processus».

«Nous voulons que cela avance le plus vite possible. Nous savons que c'est un dossier qui préoccupe grandement l'opinion publique américaine et les milieux d'affaires américains», a-t-il assuré.

«Retard honteux» 

Proposé en 2008, l'oléoduc doit servir à acheminer du pétrole depuis la province d'Alberta, dans l'ouest canadien, vers les raffineries américaines du golfe du Mexique, au Texas. La portion sud, entre le Nebraska et le Texas, fonctionne déjà mais c'est la liaison entre ce tronçon et le Canada qui soulève de nombreuses contestations. La longueur proposée fait quelque 1900 km, dont 1400 km aux États-Unis.

Les écologistes sont vent debout contre Keystone XL.

Ils redoutent des fuites le long du tracé et s'en prennent au type de pétrole qui serait transporté: issu de sables bitumineux, son extraction et son exploitation émettent au final plus de gaz à effet de serre que le pétrole normal.

En revanche, d'après le département d'État, les risques sont minimes. Dans un rapport rendu fin janvier, il avait jugé que l'oléoduc n'aurait pas d'impact environnemental majeur.

Le président Barack Obama, à qui revient la décision finale, n'a pas dit quand il trancherait.

À sept mois de législatives de mi-mandat au Congrès en novembre, les opposants au président démocrate ont dit vendredi leur colère contre ce «retard honteux», selon le chef des républicains à la Chambre des représentants John Boehner.

Il a invoqué des «dizaines de milliers d'emplois américains en jeu» et «nos alliés en Europe de l'Est qui comptent sur le leadership de l'Amérique en matière d'énergie», accusant l'administration Obama de les «sacrifier à des fins politiques».

Même courroux chez des sénateurs démocrates d'Etat concernés par Keystone: Heidi Heitkamp du Dakota du Nord (nord) et Mary Landrieu de Louisiane (sud) ont dénoncé un «processus absolument ridicule qui continue pour une période indéterminée» et une «décision inacceptable» du département d'État.

Au contraire, des écologistes ont applaudi.

L'association 350.org s'est félicitée d'une «nouvelle victoire pour les opposants à l'oléoduc», tout en se disant «déçue que le président Obama n'ait pas le courage de rejeter maintenant Keystone XL». L'organisation Natural Resources Defense Council a loué «la plus prudente des voies d'action possible» prise par le département d'État.