Une conférence sur la décroissance dans les Amériques a lieu cette semaine à HEC Montréal. Deux cent cinquante conférenciers et participants discutent de cette théorie qui vise à sauver la planète et équilibrer la richesse mondiale. La Presse s'est entretenue avec l'inventeur du concept d'empreinte écologique, William Rees, de l'Université de Colombie-Britannique.

Q Comment avez-vous eu l'idée de l'empreinte écologique?

R J'enseignais la capacité de charge, la quantité de membres d'une espèce que peut accueillir un écosystème. Je me suis demandé quelle était la capacité de charge pour l'espèce humaine. J'en ai parlé à une conférence et un économiste est venu me dire que c'était ridicule parce que l'humain peut dépasser son écosystème avec le commerce et que la technologie permettait de faire des substitutions. C'étaient des arguments puissants. Mais j'étais convaincu, comme écologiste, qu'il y avait une limite. Alors j'ai retourné le concept à l'envers: au lieu de la quantité d'individus par écosystème, j'ai commencé à calculer l'aire d'un écosystème productif qui est nécessaire pour produire les bioressources consommées par une population humaine et pour assimiler ses déchets.

Q Avez-vous fait des changements au fil des ans?

R Oui, j'ai amélioré le concept au fil des années 90, avec les critiques. Par exemple, on calcule beaucoup mieux les puits de carbone, qui absorbent le dioxyde de carbone, un gaz à effet de serre.

Q Croyez-vous à la décroissance?

R Nous utilisons davantage de ressources que n'en produit la Terre. Prenez l'énergie. Depuis quelques années, chaque fois que l'Occident sort de la récession, les prix de l'énergie augmentent et on replonge en récession. Je crois que nous sommes à un tournant. Si nous ne faisons pas des changements majeurs pour consommer moins d'énergie, ce sera le chaos.

Q S'il n'est plus possible d'augmenter la croissance mondiale, cela signifie-t-il que la seule manière pour que les pays pauvres rejoignent le niveau de vie des pays riches est que ces derniers s'appauvrissent?

R On peut avoir les mêmes réfrigérateurs, les mêmes voitures, mais avec une efficacité énergétique deux fois plus grande. Deuxièmement, on comprend mal ce qui mène au bien-être. Des études montrent qu'au-delà de 12 000$ de PNB par habitant, le bien-être n'augmente pas. On peut réduire nos revenus de 60% à 65% sans abaisser notre satisfaction.

Q Mais pour cela, les Occidentaux devront renoncer à leur iPhone et à leurs voyages en avion.

R Si on ne fait rien, nous allons manquer d'énergie et il n'y aura pas non plus de voyages en avion. Le commerce des denrées alimentaires va s'écraser. Ce sera le chaos. Et de toute façon, on pourrait prendre le train au lieu de dépenser des milliards en voitures. Et pour les plus pauvres en Occident, depuis 30 ou 40 ans, il n'y a pas d'amélioration du niveau de vie.

Q La Grèce est-elle un exemple à suivre?

R Non, c'est un mauvais exemple. Les gens ne paient pas leurs impôts. Le gouvernement dépense trop.

Q Le boum du gaz de schiste n'est-il pas un signe que les ressources d'hydrocarbures peuvent augmenter grâce à la technologie?

R Plusieurs champs sont épuisés après un ou deux ans. On crée une frénésie qui ne durera pas. Et on a en passant un impact très négatif sur les ressources locales en eau.

Q Et les sables bitumineux?

R Il faut que le prix des biens et services reflète leur coût. Nous donnons 2 milliards en crédits d'impôt par année aux sociétés pétrolières. Elles n'ont pas besoin de ce genre d'encouragement.

Q Les crédits d'impôt pour les investissements dans des entreprises font partie de la politique fiscale de base du Canada. Cela signifie-t-il qu'il faut les annuler rétroactivement quand une entreprise devient rentable?

R Tout ce que je dis, c'est que ce n'est pas juste. Il ne faut pas subventionner le pétrole.