Ils ont beau lancer un pamphlet sur les ravages des mines dans l'histoire de leur coin de pays, Richard Desjardins et Robert Monderie sont loin de tenir un discours anti-mines.

Au contraire, ils demandent que l'État s'implique comme partenaire dans les projets de «trous».

«On veut que le gouvernement se ressaisisse, dit Richard Desjardins en entrevue à La Presse. La gestion même des ressources naturelles doit changer.» Il juge «faméliques» les redevances minières, même après leur récent ajustement à la hausse.

«Ce sont des participations qu'il faut prendre dans ces ressources, qui sont non renouvelables», ajoute Robert Monderie.

Leur film L'erreur boréale a lancé le débat sur les forêts. Trou Story arrive sur les écrans alors que le débat sur les mines est bien engagé. Une réforme de la Loi sur les mines est en cours depuis presque deux ans.

Desjardins reproche au gouvernement actuel d'investir dans l'amiante, que «toute la planète refuse», mais de ne pas s'impliquer dans des projets de mines d'or.Dans le film, il dit au passage que l'or est un métal «qui fascine» mais qui est inutile, finissant transformé en «lingots comateux».

Mais ce n'est pas une raison de rester spectateur dans la nouvelle ruée vers le métal précieux.

«Il y a des sociétés dans l'or qui font 400% de profit», dit-il. Il faut «prendre notre cut», insistent les cinéastes.

Notons que l'État est partenaire de certains nouveaux projets miniers, comme celui de Stornoway Diamond (Investissement Québec détient 37% des actions de la société). Le Plan Nord prévoit une enveloppe de 500 millions pour des prises de participation dans divers projets, miniers ou autres.

Une histoire de «démesure»

À son «âge vénérable», Richard Desjardins ne s'en cache pas, il veut donner son opinion. «On n'est pas trop forts sur les deux côtés de la médaille, dit-il. Il y a 100 lobbyistes pour les mines à Québec. Leur point de vue, ils sont bien capables de le faire valoir.»

Trou Story raconte l'histoire minière du nord de l'Ontario et de l'Abitibi-Témiscamingue, une histoire de «démesure» basée sur le free mining, qui donne préséance au droit minier.

Le film donne la parole à plusieurs maires et ex-maires des deux côtés de la frontière qui soulignent le manque de retombées locales de l'industrie minière, maintenant que le nombre de salariés nécessaires est beaucoup plus faible qu'auparavant. «Malartic va recevoir 150 000$ par année en indemnisation pour la mine Osisko alors que les Inuits reçoivent 80 millions pour une seule mine, la Raglan», affirme Desjardins en entrevue. Vérification faite, c'est plus de 100 millions que se sont partagés, depuis la fin des années 90, deux communautés inuites et la société Makivik.

La nouvelle oeuvre de Desjardins et Monderie rappelle l'existence des nombreux terrains miniers orphelins du Québec, laissés en piteux état environnemental par des sociétés en faillite. La réforme de la Loi sur les mines, qui ne convainc pas vraiment le duo, prévoit que les minières devront verser une garantie financière couvrant la totalité des coûts de restauration des terrains miniers, et non plus 70%.

C'est une avancée, concède Desjardins, mais c'est pour lui la moindre des choses. «Quand on va chier quelque part, on ramasse notre tas!», lance-t-il.

Même avec une garantie de 100%, Desjardins et Monderie expriment des doutes. Rien ne garantit que l'État ne soit pas aux prises avec des problèmes 15, 20 ou 100 ans après la fermeture d'une mine, soutiennent-ils.