Le plan de relance de l'économie de la Chine fait-il la part belle à l'environnement comme le proclament le gouvernement et certains analystes? Pas vraiment, répondent des experts.

«La Chine n'a pas seulement lancé le plus important plan à ce jour mais aussi celui ayant le plus grand montant dédié aux thèmes du changement climatique», proclamait en janvier un rapport de la banque HSBC à propos des 4000 milliards de yuans (685 milliards de dollars canadiens) d'investissements et mesures fiscales prévus en 2009-2010.«Tout est parti de ce rapport, selon lequel près de 38% du plan sera dédié à des améliorations environnementales, mais la plupart de cet argent pour des projets "verts" va aux chemins de fer et réseaux de distribution de l'électricité», relève Charles Mc Elwee, avocat spécialiste des questions d'énergie et d'environnement chez Squire, Sanders & Dempsey, à Shanghai.

«Dans un sens très large, on pourrait dire que peut-être cela va entraîner des améliorations: si les réseaux perdent moins d'électricité (grâce à des technologies plus performantes: ndlr) ou si le transport se fait davantage par le rail que par la route», reconnaît-il.

Cependant, «la construction d'infrastructures demande des matériaux hautement polluants. A court terme l'impact ne sera pas très bon. On ne voit pas beaucoup ce qui est vert dans le plan», ajoute-t-il.

Les investissements devraient notamment doper la demande en ciment, cuivre, aluminium, acier...

Selon Standard Chartered, la Chine pourrait se doter cette année de 75 000 kilomètres de réseaux électriques (lignes, transmetteurs et autres équipements), qui demanderaient ainsi quelque 450 000 tonnes de cuivre et 1,5 million de tonnes d'aluminium.

Quant au ciment, la production -- qui était en baisse depuis mi-2008 -- a déjà progressé de quelque 13% depuis janvier, selon la profession.

Le directeur des campagnes de Greenpeace Chine, Sze Pang Cheung, a également beaucoup de réserves quant à la nature verte des projets et souligne la difficulté d'en juger, faute de «transparence».

«On manque d'informations, on ne peut pas prendre en compte des investissements dont on sait pas s'ils sont verts ou pas», dit-il.

Pour l'heure, selon la Commission nationale pour la Réforme et le développement, la Chine a affecté exactement 10% des premiers 230 milliards de yuans débloqués à des travaux liés à l'amélioration de l'environnement, dont 13 milliards pour le traitement des eaux urbaines.

«10% ce n'est pas rien et montre que le gouvernement (...) pose les fondations d'un développement durable», a commenté Han Yongwen, son secrétaire général.

Sauf que «les 10% ont été revus à la baisse en mars. C'est un signe inquiétant!», affirme Sze.

Et que rien n'a été débloqué pour les énergies renouvelables par exemple, alors qu'«ils auraient une occasion formidable de mettre de l'argent dans le développement durable», estime-t-il.

«Vous pouvez investir dans une ferme éolienne ou dans une centrale au charbon sale. Les deux vont stimuler croissance et emploi mais l'un favorise le développement durable, l'autre un avenir plus pollué», ajoute-t-il.

La précipitation manifestée pour enrayer la crise économique inquiète aussi.

«Il est tout à fait possible que les procédures d'enquêtes d'impact environnemental soient simplifiées pour accélérer les projets. Nous nous inquiétons vraiment que les travaux d'infrastructure manquent d'une supervision environnementale adéquate», souligne Li Bo, responsable de l'organisation chinoise Friends of Nature.

«Dans sa hâte à investir (...) la Chine pourrait-t-elle rétropédaler dans sa quête d'une croissance durable, économe en énergie, propice à l'environnement?» s'est lui-même demandé le quotidien officiel China Daily.