Pour produire plus et gagner plus, les producteurs de café sous les tropiques ont tendance à grignoter les forêts, une menace pour la biodiversité que veut contrer l'ONG Rainforest Alliance par un code de bonnes pratiques déjà implanté avec succès au Pérou.

«Mes parents déforestaient systématiquement pour planter plus de caféiers. Aujourd'hui, nous savons que c'est une erreur», commente Evangelino Condori Rojas, qui exploite une plantation de 4 hectares, près de Quillabamba (1300 kms au sud-est de Lima), une des premières à avoir été certifiée par Rainforest Alliance.Les exploitations certifiées par cette ONG basée à New York répondent à des normes rigoureuses afin notamment de protéger la diversité de la flore et de la faune sauvage, exceptionnellement riche dans les Andes amazoniennes.

«La certification est un mécanisme pour éviter toute évolution vers la déforestation», explique Gerardo Medina, responsable de Rainforest Alliance au Pérou.

Et les petits producteurs s'y retrouvent puisque le café certifié est vendu 15 à 20% plus cher, même si, selon Raul Del Aguila, le gérant de la centrale de coopératives agricoles Cocla, une partie des bénéfices est utilisée pour développer les infrastructures.

Rainforest Alliance, en bonne intelligence avec les industriels de l'agro-alimentaire, a commencé à délivrer son label en 2004 aux plantations de café au Pérou, Brésil, Colombie, Guatemala, Honduras et Salvador.

«La stratégie marketing est de persuader les grands groupes d'acheter du café certifié alors que cela correspond à une demande des consommateurs sensibilisés à la question du développement durable», explique Gerardo Medina.

L'américain Kraft Foods (Jacques Vabre, Maxwell, Carte noire) est le principal acheteur de café péruvien certifié.

Actuellement, 5,7% de la production de café du Pérou est certifiée par Rainforest Alliance (342.000 quintaux sur un total de 6 millions).

L'objectif de l'ONG est d'atteindre les 14% en 2013.

Le Pérou est déjà le pays qui a la plus grande surface de plantations de café certifiées (24.700 hectares répartis en 7.200 fermes contre 7100 hectares et 1.600 fermes en 2005), devant le Brésil, explique Gerardo Medina.

Le terrain s'y prêtait: le bio est quasiment la norme, 80% des producteurs n'utilisant aucun pesticide ni fertilisant chimique faute de moyens de transport. «En 1995, il fallait encore 12 jours pour aller de Lima à Quillabamba», indique le gérant de Cocla.

Pour obtenir le label Rainforest Alliance, chaque plantation doit respecter une série de critères environnementaux et sociaux et comporter au moins 70 arbres de 12 espèces différentes par hectare.

«On replante tous ici», assure Clemente Cuaresma Puri, propriétaire de 4 hectares.

Le café pousse à l'ombre des grands arbres et les plantations disparaissent sous la forêt pluviale des montagnes.

La reforestation apparaît d'autant plus nécessaire que le café péruvien est cultivé dans des zones proches des parcs nationaux, sanctuaires de la biodiversité.

Elle permet également d'éviter l'érosion des sols, les fermes étant toutes situées sur des terrains en forte pente.

Autre avantage, les forêts qui captent le CO2, contribuent à la lutte contre le réchauffement.

«On voit déjà les effets du changement climatique ici. Cette année il n'a pas beaucoup plu et si ça continue, nous allons avoir des problèmes», souligne Isaias Zuniga, qui possède 7 hectares de caféiers.

Les toucans reviennent nicher dans les arbres mais «on ne voit plus de singes, ni de pumas», fait remarquer sa vielle mère, Irène Paz Santacruz.