L'Université McGill conservera ses investissements dans le pétrole, le charbon et le gaz, et en particulier ceux dans le secteur controversé des sables bitumineux, en dépit de la demande des trois associations étudiantes de l'institution.

La décision, prise vendredi dernier, marque la première fois qu'une université canadienne est touchée par une campagne mondiale contre les 200 plus importantes entreprises du secteur des hydrocarbures, démarrée l'an dernier aux États-Unis.

Selon l'organisme Divest McGill, créé pour cette campagne, le fonds de développement de McGill (McGill Endowment Fund) détient des actions de 35 entreprises du secteur des hydrocarbures, dont Cenovus, Suncor et Canadian Natural Resources Inc., qui sont actives dans les sables bitumineux.

Dans son mémoire, Divest McGill rappelle les impacts des changements climatiques sur l'environnement et les humains, en précisant que leur principale cause est la pollution attribuable au secteur des hydrocarbures.

Mais selon Brenda Norris, qui préside le Comité consultatif sur les questions de responsabilité sociale de McGill, ce n'était pas suffisant.

Ce comité a été créé dans la foulée de la campagne mondiale contre l'apartheid, qui avait ciblé les entreprises qui faisaient des affaires en Afrique du Sud.

«La présentation [des étudiants] était excellente, a dit Mme Norris en entrevue avec La Presse. Mais nous avons décidé que l'information était incomplète.»

Pour être exclue du portefeuille de McGill, une entreprise doit avoir causé un «tort social social injury], particulièrement par des activités qui violent ou empêchent l'application de normes de droit national ou international».

Selon un autre membre du comité, Jonathan Mooney, qui est président de l'Association étudiante des cycles supérieurs de l'Université McGill, «le comité désirait qu'on lui présente un jugement sans équivoque par une cour» d'un tort causé par les 35 entreprises visées.

«Le secteur des hydrocarbures est très réglementé», a précisé Mme Norris.

Sur le fond, elle ne s'est pas montrée convaincue non plus. «J'ai passé une semaine à faire des recherches là-dessus sur internet, a-t-elle dit. C'est un sujet vaste. Selon ce qu'on lit, on peut soit dire qu'il y a un tort ou qu'il n'y en a pas.»

Elle affirme que le comité a appliqué les mêmes critères que par le passé - notamment en 2006, lorsque McGill a vendu tous ses investissements dans les sociétés de tabac. «Et nous l'avions fait même si [la famille] MacDonald a été un énorme donateur de l'université», a-t-elle rappelé.

Selon David Summerhays, de Divest McGill, ce n'est que partie remise. «Ils cherchaient une définition de «tort social» qu'on n'attendait pas forcément, dit-il. Un nouveau dossier sera présenté l'an prochain.»

«Mais on peut quand même souligner que l'Organisation mondiale de la santé estime que 150 000 personnes meurent chaque année à cause des changements climatiques et qu'il y a eu 32 millions de réfugiés du climat dans le monde en 2012. Si vous ne voyez pas ça comme un tort, il y a un problème.»

Une autre solution

Le boycottage est-il la meilleure façon d'infléchir le cours des choses dans ce domaine? François Meloche, spécialiste de l'investissement socialement responsable au fonds Bâtirente, affilié à la CSN, en doute. «Nous, à Bâtirente, on garde nos actions dans ces entreprises, mais on leur demande de tenir compte dès maintenant d'un prix pour les émissions de carbone, dit-il. Si les émissions de carbone coûtent cher, elles vont trouver d'autres façons de faire de l'argent. Les compagnies pétrolières peuvent se diversifier: Suncor a des parcs éoliens.»