Les règles qui encadrent l'extraction du gaz de schiste sont «basées sur de vieilles idées» et le gouvernement doit jouer un rôle actif pour mieux informer la population sur cette industrie qui suscite beaucoup d'appréhension, affirme un groupe d'experts constitué par un ministère fédéral. Une conclusion qui contredit en partie la position du gouvernement Harper, qui estime que c'est aux provinces de régir l'exploitation de cette ressource.

Un groupe de travail de Ressources naturelles Canada s'est penché l'an dernier sur cette industrie, dont l'essor a provoqué une vive controverse au Québec et dans d'autres provinces. Des chercheurs du Québec, de l'Ontario, de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick et de la Colombie-Britannique se sont réunis pour discuter des impacts des forages sur l'eau.

Le compte rendu de leurs échanges, publié tout récemment, conclut que le gouvernement fédéral doit mieux encadrer l'extraction du gaz par la fracturation hydraulique des schistes souterrains. En premier lieu parce qu'il faut rassurer la population.

«Le groupe estime que le public n'est pas bien informé, mais très déterminé, et qu'il y a un besoin criant pour plus d'information exacte, peut-on y lire. Le public s'inquiète de ces activités, particulièrement de la fracturation hydraulique, et c'est le mandat du gouvernement de trouver des réponses et de les communiquer. La recherche va aider à rassurer le public.»

Le groupe appelle aussi le gouvernement à réglementer l'extraction, qui s'effectue par l'injection d'un mélange d'eau, de sable et de produits chimiques sous terre afin de fracturer la roche et libérer le gaz qui s'y trouve emprisonné. Cette technique n'est pas nouvelle, mais ses effets sont toujours relativement méconnus, notamment sur les eaux souterraines.

Imposer des quotas

«Les participants ont souligné le fait que la production du gaz de schiste est nouvelle et que les réglementations qui l'encadrent sont basées sur de vieilles idées sur l'exploitation du pétrole et du gaz conventionnels», précise le rapport.

Les experts appellent le gouvernement à revoir les règles. Ils suggèrent, par exemple, d'imposer des quotas afin d'encourager les producteurs à recycler l'eau qu'ils injectent sous terre, ou encore d'encourager l'utilisation de produits «verts» dans le procédé de fracturation.

«Cela a semblé être une solution gagnant-gagnant, car plus les compagnies pétrolières sont "vertes", plus elles seront "acceptées", écrivent les experts. L'image de l'industrie est définitivement un problème en raison de mauvaises expériences dans le passé.»

Le rapport précise que les opinions exprimées par les experts ne sont pas nécessairement celles du gouvernement fédéral, ni du ministère des Ressources naturelles.

En comité plénier, il y a deux semaines, le ministre de l'Environnement, Peter Kent, a d'ailleurs été catégorique. Il n'est pas question pour le gouvernement fédéral de réglementer cette industrie.

«Le ministre n'a pas dit qu'il n'est pas nécessaire de réglementer les gaz de schiste, précise son attaché de presse, Adam Sweet. Notre position, c'est que même si Environnement Canada dispose de certains pouvoirs réglementaires pour régir l'industrie du pétrole et du gaz, ce secteur industriel tombe essentiellement sous la juridiction des provinces, sauf sur les terres fédérales.»

Manque d'information

En réponse à l'autre préoccupation soulevée par le rapport, celle du manque d'information des Canadiens, M. Sweet fait valoir que le gouvernement Harper a mandaté le Conseil des académies canadiennes pour étudier en profondeur les impacts de l'extraction des gaz de schiste. Ce rapport est attendu l'an prochain.

Le Nouveau Parti démocratique demande depuis des mois au gouvernement de mieux régir l'industrie du gaz de schiste. La critique du parti en matière d'Environnement, Megan Leslie, affirme que le prédécesseur de M. Kent, Jim Prentice, avait promis d'agir en ce sens.

«M. Kent a reculé sur cette promesse, je dirais même qu'il l'a totalement abandonnée, a-t-elle indiqué. À la lumière de ce rapport, je crois qu'il est évident qu'il faut adopter de nouveaux règlements ainsi qu'une étude approfondie. Il faut appliquer le principe de la précaution.»

- Avec la collaboration de William Leclerc

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PUITS DE GAZ DE SCHISTE, PAR PROVINCE

PUITS FORÉS

Colombie-Britannique: 1873

Alberta: 190

Saskatchewan: 85

Ontario: 1

Québec: 29

Nouveau-Brunswick: 4

Nouvelle-Écosse: 5

PUITS EN PRODUCTION

Colombie-Britannique: 1354

Alberta: 114

Saskatchewan: 35

Ontario: 0

Québec: 0

Nouveau-Brunswick: 1

Nouvelle-Écosse: 0

Source: Commission géologique du Canada