Le boum du gaz de schiste aux États-Unis inquiète défenseurs de l'environnement et exploitants agricoles, qui dénoncent son impact sur l'eau et l'air, comme dans le petit village de Waynesburg, en Pennsylvanie.

«J'ai acheté ma ferme en 1988. Ma famille et mes bêtes, nous avons toujours bu l'eau de la ferme sans aucun problème. Depuis qu'ils ont commencé le forage gazier dans ma propriété, je n'ai que des ennuis», explique Terry Greenwood, éleveur de 64 ans.

Longue barbe blanche, yeux bleus et chemise de bucheron, il raconte en marge d'une réunion de militants écologistes de l'association «H2o Know» à Waynesburg qu'en 2007, des représentants de Dominion Gas sont venus lui présenter un bail de 1921 toujours valable.

«Ils ont foré deux puits. Au printemps 2008, dix de mes vaches sont mortes. Mes animaux et moi ne buvons plus l'eau de ma propriété», poursuit-il.

«Les représentants de l'agence gouvernementale de protection de l'environnement (EPA) m'ont dit qu'il fallait que je prouve que c'était la conséquence des fluides de forage. Ils m'ont dit "trouvez-vous un bon avocat". J'en suis à mon troisième», conclut-il.

Depuis 2008, le forage à l'horizontale couplé à la fracturation hydraulique, ou fracking, a permis d'exploiter les vastes ressources de gaz de schiste de la formation de Marcellus en Pennsylvanie.

Le gaz naturel, du méthane, est souvent présenté comme «vert» car il brûle en dégageant moins de CO2 que les carburants classiques, mais il est beaucoup plus nocif pour la couche d'ozone et toxique lorsqu'on le respire.

En outre, la fracturation hydraulique utilise des millions de litres d'eau mélangés à des additifs chimiques comme l'ammoniaque ou le trimethylbenzene.

Les représentants du secteur disent prendre toutes les précautions: «on dit qu'il n'y a pas de réglementation, c'est faux, il y en a beaucoup, notamment sur la protection de l'eau potable, nous les respectons toutes», affirme Jeff Boggs, responsable du forage chez Consol Energy, un groupe qui exploite les gisements de schiste de la région.

Jill Kriesky, chercheuse en santé publique à l'Université de Pittsburgh, souligne toutefois que les groupes énergétiques sont exempts des lois fédérales sur «la protection de l'eau, de l'air, l'indemnisation, etc.»

M. Boggs admet que le secteur a eu «probablement une certaine culpabilité» dans certains cas. Consol a ainsi été condamné à payer plus de 200 millions de dollars quand de l'eau échappée de ses mines de charbon a contaminé la rivière Dunkart Creek en septembre 2009, tuant la faune aquatique sur quelque 60 kilomètres.

«Nous ne laissons plus aucune eau résiduelle sur nos sites», assure-t-il. L'eau de fracking est en effet entreposée pendant toute la période d'exploitation sur les sites d'extraction dans des étangs artificiels séparés du sol par un épais revêtement plastique.

Ces eaux si toxiques que les stations d'épuration ne sont pas en mesure de les traiter sont ensuite acheminées par camion-citerne vers des puits réglementés, souvent hors de Pennsylvanie.

Jeff Boggs affirme que le trajet des camions est surveillé par GPS, mais des dérives existent: un sous-traitant, Allan Shipman, est ainsi poursuivi par l'État pour avoir rejeté illégalement de l'eau de fracking dans des rivières.

L'association pro-environnement IWLA a testé des cours d'eau à proximité de sites gaziers. Elle a relevé plusieurs cas de taux de bromure et de salinité extrêmement élevés qui, selon elle, portent la trace chimique du fracking.

Jill Kriesky confirme que «le fracking a été directement lié à la pollution d'eau (...) et de l'air», dans certains cas «très documentés».

Elle ajoute qu'une étude récente met en avant des risques plus élevés de cancers et autres maladies parmi les riverains à cause des émanations de méthane échappées des puits de gaz.