Alors que l'exploitation du gaz de schiste fait les manchettes partout au Québec, la métropole va avoir droit à sa part des débats. La Presse a appris que Projet Montréal entend déposer une motion contre l'exploitation minière à Montréal à la prochaine réunion du conseil municipal, lundi.

Selon le parti de Richard Bergeron, les risques de voir apparaître une tour de forage à Montréal sont minces mais bien réels. Le parti de l'opposition propose donc que la Ville se prémunisse contre une telle possibilité.

La proposition intitulée «motion contre l'exploitation minière sur le territoire montréalais» vise directement l'industrie du gaz de schiste. L'une des trois dispositions qu'elle contient demande à la Ville de ne pas «traiter les boues d'après-forage en provenance des puits d'exploitation».

La motion veut aussi engager Montréal dans une campagne auprès de Québec afin de changer la loi. Actuellement, la Loi sur les mines a préséance sur tout règlement municipal, comme un schéma d'aménagement ou un règlement de zonage.

Projet Montréal veut inverser cette hiérarchie et donner préséance aux droits des municipalités. Ce changement permettrait à une ville de bloquer un projet minier sur son territoire.

«Il y a des claims, des droits d'exploration et d'exploitation qui couvrent entièrement l'île de Montréal, a expliqué hier le chef de Projet Montréal, Richard Bergeron. Et comme le droit des mines a prépondérance sur les autres lois, rien en théorie n'empêcherait d'aller creuser.»

«Peut-être qu'il n'y aura pas de forage dans la rue Sainte-Catherine, a dit M. Bergeron. Mais il y a plein d'endroits à Montréal où ces droits théoriques pourraient s'appliquer. S'ils trouvaient du gaz, ils pourraient creuser.»

«Cette motion peut paraître un peu déconnectée de la réalité. Mais, avec le gaz de schiste, la réalité nous rattrape assez vite», croit-il.

La conseillère Josée Duplessis, de Projet Montréal, est l'instigatrice de la motion. L'élue dit avoir été surprise de constater à quel point la Ville avait peu de poids devant l'industrie du gaz de schiste.

«Quand on s'est mis à s'intéresser à la question, le cas du mont Royal nous a frappés, a dit Mme Duplessis. Actuellement, selon la loi, même l'arrondissement historique et naturel du Mont-Royal n'est pas protégé contre l'exploitation minière. C'est inquiétant.»

L'article 246 de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme est clair: aucun règlement municipal ne peut empêcher l'exploitation de substances minérales et de réservoirs souterrains.

Plusieurs municipalités exigent un amendement à cette loi, tout comme l'Union des municipalités du Québec. La motion cherche donc à joindre la voix de Montréal à ce mouvement.

«Les municipalités du Québec tentent de se faire entendre de Québec, note-t-elle. Malheureusement, elles n'y parviennent pas pour l'instant. La prise de position de Montréal pourrait avoir un impact réel.»

Le premier parti de l'opposition, Vision Montréal, a annoncé hier à La Presse qu'il allait soutenir la motion. Le parti du maire Gérald Tremblay, quant à lui, n'a pas voulu se prononcer.

«L'administration va faire connaître sa position lundi au conseil», a expliqué Darren Becker, porte-parole du maire Tremblay.

Pas de projet dans l'île

L'île de Montréal se trouve en plein sur le gisement Utica, qui recèle de gaz de schiste. Deux entreprises se partagent les droits pour l'exploitation du gaz sur le territoire montréalais, Junex et la société à numéros 9220-5558 Québec inc.

«Il n'y a pas de projet dans l'île de Montréal et il n'y en aura pas, a affirmé hier Dave Pépin, vice-président aux affaires corporatives chez Junex. Vous pouvez dormir sur vos deux oreilles. La seule manière de voir une plateforme de forage, ça va être de sortir de l'île.»

La Loi sur les mines interdit de forer à moins de 100 m d'une résidence, rappelle M. Pépin. «Il n'y aura pas un puits en plein centre-ville», a-t-il expliqué.

Quant aux endroits plus éloignés dans l'île où la densité est plus basse, Dave Pépin a préféré ne pas s'avancer, déclarant qu'il s'agit de «spéculations».

Stéphane Gosselin, directeur général de l'Association pétrolière et gazière du Québec, a lui aussi minimisé la portée des claims miniers dans l'île de Montréal. «Selon les dernières données qu'on a sur le shale d'Utica, l'île de Montréal ne présente pas un potentiel important», assure-t-il.