Malgré les sévères critiques d'anciens hauts dirigeants du BAPE, le gouvernement Charest reste inflexible: il n'a pas l'intention de modifier le mandat du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE) concernant le gaz de schiste.

Dans une lettre ouverte publiée hier, 11 scientifiques et anciens dirigeants du BAPE estiment que le mandat que le gouvernement a confié au BAPE est trop limité et que les délais sont trop courts. Ils regrettent aussi que le BAPE doive entamer ses travaux sans disposer d'une étude indépendante ou d'une évaluation environnementale.

Parmi les signataires: un ancien président du BAPE (André Beauchamp), un ancien vice-président (André Delisle) et quatre ex-commissaires.

Pourquoi donner seulement cinq mois au BAPE? Le premier ministre a esquivé la question, hier. «Bien, pourquoi on ne donne pas au BAPE l'occasion de commencer le travail qui lui a été demandé? Moi, c'est comme ça que je le vois», a-t-il répondu.

Le Bureau a commencé ses travaux il y a deux semaines et doit remettre son rapport le 5 février. Selon les signataires de la lettre, le débat est déjà mal engagé, et ce serait la faute du PLQ. «Le gouvernement a contribué à accentuer une crise sociale bien enclenchée et à mobiliser davantage de citoyens des régions concernées», écrivent-ils.

Aux yeux du premier ministre, la question du «si» est déjà réglée. Il ne reste qu'à préciser le «comment». «Est-ce que le Québec va mettre en valeur son potentiel de gaz naturel? La réponse, c'est oui. Est-ce que ça va se faire au détriment de l'environnement? La réponse, c'est non», a-t-il affirmé.

Le BAPE «satisfait» de son mandat?

Hier matin, le ministre du Développement durable et de l'Environnement, Pierre Arcand, a assuré que le président du BAPE était «satisfait» de son mandat. «Les gens du BAPE m'indiquent qu'ils sont satisfaits et qu'ils vont remettre leur rapport le 4 février», a-t-il déclaré avant le caucus libéral.

Il appert que, le 27 août, le ministre aurait fait un «appel de courtoisie» au président du BAPE, Pierre Renaud, peu après sa nomination. Or, le BAPE est un organisme indépendant. Ses dirigeants et les membres de ses commissions doivent respecter un devoir de réserve et réaliser leur mandat sans le commenter. «En aucun cas le président du BAPE n'a commenté la teneur du mandat», a tenu à préciser Karine Lavoie, conseillère en communications du BAPE.

Le ministre a-t-il reçu l'appui du président du BAPE? Sarah Shirley, l'attachée de presse du ministre Arcand, répond: «Le président du BAPE a respecté son devoir de réserve. Il n'a pas parlé de l'essence du mandat, de ses modalités ou son contenu. Ce qu'il a dit, c'est que ça lui semblait réaliste et faisable dans la durée du mandat.»

Le critique de l'opposition officielle en matière d'environnement, Scott McKay, croit pour sa part que le ministre a détourné les propos du président du BAPE. «Je pense que le ministre ne comprend pas la différence entre faisable et souhaitable. Oui, le BAPE peut humainement faire un rapport en cinq mois, mais ce n'est certainement pas la bonne façon de le faire.»

M. McKay indique que le PQ ne se «sentira certainement pas lié par les décisions que le gouvernement pourrait prendre à la suite de ce processus vicié».