Le premier ministre Jean Charest estime que le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE) sera en mesure de mener à bien ses consultations sur l'exploitation des gaz de schiste.

Le premier ministre a été appelé à réagir, vendredi, à la publication d'une lettre ouverte dans laquelle 11 experts, dont l'ex-président, l'ex-vice président et quatre anciens commissaires du BAPE, ont dénoncé le processus, estimant que l'organisme n'a ni les moyens, ni le temps de mener dans ce dossier socialement explosif «un débat public rigoureux et crédible».

«Je ne suis pas prêt à dire que le gaz de schiste, c'est mauvais ou c'est bon», a déclaré en entrevue à La Presse Canadienne l'un des signataires de la lettre, l'ex-commissaire André Thibault. «Je dis que, de la façon dont ça se passe, nous allons aboutir avec des coûts sociaux et politiques, autant pour le gouvernement que pour les groupes environnementalistes et les citoyens touchés, parce qu'on aura mal fait les choses.»

Selon M. Thibault - et les autres cosignataires - il aurait fallu un débat générique sur un dossier d'une telle importance qui implique le développement d'une toute nouvelle industrie sur un vaste territoire. Il note que le mandat d'enquête et d'audiences publiques qui a été confié au BAPE est le même que celui requis pour un viaduc.

«Il faut se donner le temps, dit-il. S'il faut que le BAPE se déplace à plusieurs endroits parce qu'il y a des gens qui ont de l'intérêt, s'il faut que le BAPE mette un certain temps parce qu'il y a des études à faire pour qu'il puisse s'éclairer, qu'il le fasse. Je suis aussi un chercheur et je constate que l'on va avoir des avis sur le coin de la table.»

Il constate avec un certain dépit que le sérieux de la démarche a été sacrifié sur l'autel de l'empressement, une attitude qui invite à l'échec, selon lui.

«Je ne suis pas certain que cela presse tant que ça, mais ça relève d'une approche de gouvernance actuellement au Québec où on a l'impression qu'il y a tellement de monde qui s'oppose à tout qu'il faut s'arranger pour que cela passe vite, a dit M. Thibault. On a essayé ça avec plusieurs autres projets et ils ne réussissent pas.»

Jean Charest affirme, pour sa part, que le BAPE peut procéder rapidement puisque d'autres ont déjà déblayé une bonne part du terrain.

«Nous ne réinventons pas la roue. Il y a du gaz de schiste ailleurs et il y a des expériences ailleurs dont nous allons nous inspirer. (...) Nous pouvons faire ça correctement», a dit le premier ministre lors d'un point de presse à Québec.

Son ministre de l'Environnement, Pierre Arcand, ajoute qu'il n'a pas l'intention de laisser les entreprises intéressées se comporter autrement qu'en citoyens responsables.

«Nous ne voulons pas de développement sauvage de cette industrie, a dit le ministre. Nous sommes parfaitement conscients de la situation mais, pour l'instant, les gens du BAPE nous disent qu'ils sont capables de respecter le mandat.»

Les signataires de la lettre ouverte craignent toutefois que les limites de temps et de définition de mandat imposées par le ministre dans ce dossier ne minent la crédibilité du BAPE pour l'avenir.