Le chef de la direction du géant pétrolier Royal Dutch Shell, Peter Voser, reconnaît que l'exploitation des gaz de schiste n'est pas sans risque, mais il soutient qu'elle constitue l'une des meilleures façons de réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES).

Alors que le Québec vit à l'heure d'un intense débat sur la question, M. Voser, de passage lundi à Montréal à l'occasion du Congrès mondial de l'énergie, a affirmé que les gouvernements devaient encourager l'extraction de ce gaz dissimulé à des centaines de mètres de profondeur.

«La révolution de l'offre du gaz naturel a accru la sécurité énergétique de l'Amérique du Nord, a-t-il déclaré devant des centaines de délégués. Cette révolution présente le potentiel de modifier le paysage énergétique du monde entier.»

Selon lui, le gaz naturel peut remplacer le charbon dans plusieurs centrales électriques partout dans le monde. Comme les installations au gaz produisent de 50 à 70% moins de GES que celles au charbon, cette transition serait bénéfique pour l'environnement.

Shell n'a pas investi dans l'exploration des gaz de schiste au Québec. L'entreprise l'a fait en Colombie-Britannique, où elle produit suffisamment de gaz pour alimenter plus de 400 000 maisons.

«Je suis conscient qu'il existe certaines préoccupations du public à l'effet que la fracturation (du roc) pourrait affecter les eaux souterraines, a affirmé Peter Voser. Nous prenons ces préoccupations au sérieux.»

Le dirigeant a précisé que le gaz était extrait bien plus profondément que la nappe phréatique et que par mesure de précaution, Shell doublait ses puits avec de l'acier et du béton.

«Il ne s'agit toutefois pas de dire que ça ne pourrait jamais mal tourner. Les événements récents nous ont rappelé que les choses se passent parfois mal», a-t-il admis, en faisant référence à la marée noire du Golfe du Mexique.

En conférence de presse, le grand patron de Shell n'a pas voulu se prononcer directement sur la situation au Québec, mais il a appelé les gouvernements, les collectivités locales et les entreprises à travailler ensemble.

«Il est important de rappeler que nous faisons ce genre de choses depuis 30 ou 40 ans à travers le monde et que nous avons raffiné les technologies, a-t-il indiqué. Je pense que nous savons comment faire cela d'une façon fiable et responsable.»

Shell estime qu'on connaît aujourd'hui suffisamment de gisements gaziers pour répondre à la demande mondiale au cours des 250 prochaines années, du moins à la cadence de production actuelle. L'entreprise néerlando-britannique prévoit cependant que la demande de gaz augmentera de 25% d'ici 2020.

Longue vie aux hydrocarbures

De son côté, Khalid Al-Falih, président et chef de la direction de la société nationale d'hydrocarbures d'Arabie saoudite, Saudi Aramco, a déclaré que «pour l'avenir prévisible», les quatre cinquièmes des besoins du monde en énergie allaient être comblés par le charbon, le pétrole et le gaz naturel.

À l'heure actuelle, pas moins de deux milliards de personnes n'ont pas accès à des formes «modernes» d'énergie, sans compter que la population mondiale devrait augmenter de deux milliards d'habitants d'ici 2050, a-t-il fait remarquer. Ces réalités, de même que l'élévation du niveau de vie dans plusieurs pays, feront bondir la demande d'énergie.

Certes, a convenu M. Al-Falih, les énergies renouvelables vont prendre une place de plus en plus grande, mais de façon absolue, la demande pour les hydrocarbures continuera de croître.

«La croissance (des énergies renouvelables) sera vraisemblablement lente et inégale en raison de nombreux et intimidants problèmes technologiques, environnementaux, d'infrastructure et d'acceptabilité sociale», a insisté M. Al-Falih.

«À quoi bon conduire une voiture électrique qui ne produit pas d'émissions si l'électricité qui sert à recharger ses batteries provient d'une centrale au charbon dépassée et inefficace?» a-t-il demandé.

Au sujet du déversement de BP dans le Golfe, Khalid Al-Falih n'a pas nié qu'une autre crise du genre pourrait se répéter à l'avenir.

«D'autres secteurs, comme l'aviation commerciale, l'exploration spatiale, l'énergie nucléaire, ainsi que les industries chimiques et pharmaceutiques, ont fait face à des catastrophes similaires et en sont ressortis plus forts, a-t-il dit. (...) Je crois que notre industrie dispose désormais d'une occasion semblable d'apprendre et de croître.»

Saudi Aramco possède le cinquième des réserves prouvées du monde entier, soit 260 milliards de barils ou environ 80 ans de production. L'entreprise pense pouvoir les faire croître de 40% au cours des prochaines années.

Quant aux réserves de gaz d'Aramco, les cinquièmes en importance dans le monde, elles s'élèvent à 276 000 milliards de pieds cubes.