Retraitée depuis 2008, Laurence Hogue a été responsable de toutes les études environnementales à Hydro-Québec pendant 10 ans. Et son pronostic est clair: le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE) ne peut faire un travail sérieux sur l'industrie du gaz de schiste.

«Il va se promener et écouter les gens, il ne va pas pouvoir faire grand-chose d'autre, dit Mme Hogue. Quant à moi, il va accoucher d'une souris.»

«Ce sera difficile pour le commun des mortels de se faire une idée, dit-elle. Et même pour les commissaires du BAPE, ce ne sera pas facile non plus. Quand un projet arrive, ils sont verts, ils ne connaissent rien.»

Mme Hogue se demande comment le BAPE pourra se passer de la pièce maîtresse de tout mandat «normal»: l'étude d'impact, qui décrit le projet et ses impacts possibles sur l'environnement.

Elle a piloté les études d'impact de tous les grands projets récents d'Hydro-Québec, dont Toulnustouc, Péribonka, Eastmain 1A/Rupert et La Romaine.

Des milliards d'investissements reposaient sur le sérieux des études d'impact et du travail subséquent devant le BAPE.

Dans le cas du gaz de schiste, une industrie qui promet de dépenser 2 milliards par année à partir de 2015, le BAPE n'a aura pas ce document de référence.

«Je ne sais pas de quelles données va partir le BAPE pour tenir ses audiences, dit-elle. C'est la plus grande inquiétude. Normalement, il y a une étude d'impact. Là, on part de quoi?»

Selon Diane Paquin, directrice des communications du BAPE, le document de base sera celui que le ministère des Ressources naturelles et de la Faune (MRNF) doit bientôt rendre public.

«Le ministre (de l'Environnement) nous demande d'enquêter sur un sujet plutôt que sur un projet, dit Mme Paquin. C'est un défi différent, mais le MRNF va produire de l'information, alors on va partir de documents qui seront à la disposition de tout le monde. Ce ne sera pas une étude d'impact parce qu'on n'a pas un projet précis avec un impact sur telle rivière ou tel boisé.»

À Hydro-Québec, les études d'impact sont le fruit du travail de dizaines de spécialistes, «des sommités dans leur domaine», aidés de consultants externes.

La production de l'étude d'impact est précédée d'échanges avec les ministères fédéraux et provinciaux. Tout ce processus peut prendre en tout de 18 à 30 mois.

Dans le cas du gaz de schiste, on a fait l'économie de ces étapes, note Mme Hogue. «On a mis la charrue devant les boeufs, précise-t-elle. Il faudrait que quelqu'un au MDDEP se penche là-dessus et commande une étude d'impact à une firme externe.»

C'est d'autant plus nécessaire que les compétences en hydrocarbures sont relativement rares au Québec, contrairement à l'hydro-électricité. D'ailleurs, souligne Mme Hogue, Hydro-Québec avait confié à une firme externe l'étude d'impact pour le projet de centrale du Suroît.

Selon Mme Paquin, le BAPE a 13 analystes à son service, mais ils ne travailleront pas tous dans le dossier du gaz de schiste. «On a d'autres mandats en cours», dit-elle. Cependant, l'organisme va embaucher des spécialistes externes. «On est en train de faire la liste des gens qu'on veut s'adjoindre», conclut-elle.