L'Iran pourrait perdre « 70 % de ses terres cultivées » à moyen terme en l'absence d'action rapide pour corriger la situation écologique dramatique du pays, met en garde le vice-président iranien Issa Kalantari dans un entretien avec l'AFP.

« Aujourd'hui, nous utilisons plus de 100 % de nos ressources en eau renouvelables », affirme d'emblée M. Kalantari, également ministre de l'Environnement, alors que les recommandations internationales sont de ne pas en consommer plus de 40 %.

L'Iran subit bon nombre de fléaux environnementaux : épisodes de sécheresse prolongée ou à répétition, pollution de l'air dans les grandes métropoles, pollution et érosion des sols, désertification, tempêtes de sable...

« La consommation excessive des eaux souterraines et des ressources du sous-sol pourrait avoir des conséquences sociales terribles pour le pays », prévient M. Kalantari, qui fut ministre de l'Agriculture pendant la décennie 1990.

Pour lui la situation environnementale actuelle, résulte de la « pression démographique », du « changement climatique », mais aussi de « mauvais choix » politiques et techniques, comme une préférence affichée pour l'agriculture intensive, extrêmement consommatrice d'eau.

« Au sud de l'Alborz et à l'est des Zagros, si nous n'agissons pas rapidement, les terres deviendront inutilisables pour l'agriculture », s'inquiète le ministre, en référence aux massifs montagneux qui bordent le plateau iranien, respectivement dans le nord et l'ouest du pays.

Dans ce cas, « nous pourrions perdre 70 % de nos terres cultivées en maximum 20 ou 30 ans », ajoute-t-il.

« Erreurs humaines »

Toutefois, selon M. Kalantari, « dans la plupart des endroits, si nous réduisons la consommation d'eau, qu'il s'agisse des eaux de surface ou des eaux souterraines, nous pourrons peut-être réparer les dégâts dans 30 ou 40 ans ».

Une bonne partie de la zone géographique au sud de l'Alborz et à l'est des monts Zagros est désertique ou aride. Mais ces régions abritent plusieurs hauts lieux de l'histoire et de la culture iranienne, comme les anciennes capitales que furent Ispahan (centre) et Chiraz (sud) ou encore la ville de Yazd (centre).

« Notre première priorité est de préserver les ressources de base que sont l'eau et les sols », explique M. Kalantari. « Les autres problèmes sont le résultat d'erreurs humaines qui peuvent être corrigées ».

« Nous devons prendre des mesures radicales » afin de faire baisser la consommation d'eau, ajoute-t-il, sinon l'agriculture sera « la première victime ».

Selon l'Organisation des Nations unies pour l'Alimentation et l'Agriculture (OAA-FAO), l'Iran, peuplé de plus de 80 millions d'habitants, « est un pays principalement agricole ».  

« Moins mais mieux »

Pour M. Kalantari, certains des mauvais choix passés s'expliquent en partie par des « pressions extérieures ».

Le vice-président fait là référence aux sanctions économiques américaines ou internationales qui se sont très vite abattus sur la jeune République islamique après la révolution de 1978-79, ainsi qu'à la « guerre imposée », comme les Iraniens appellent la guerre Iran-Irak (1980-1988) déclenchée par Bagdad.

Isolée pendant ce conflit, où le monde entier ou presque soutenait l'Irak, l'Iran n'a alors pas pu, selon M. Kalantari, se préoccuper de « développement durable » : il a fallu nourrir à tout prix la population et créer de grands pans d'industrie qui n'existaient pas.

Au chapitre des autres mauvaises décisions passées, M. Kalantari cite l'installation à l'intérieur des terres d'industries fortement consommatrices d'eau qu'il eût fallu localiser près du littoral, l'expansion de l'agriculture dans des zones arides et la construction de barrages là où il n'en fallait pas.

« Nous avons ignoré l'environnement », dit-il, ajoutant : « le monde a fait des erreurs dans les décennies 1960 et 1970, nous avons fait les mêmes dans les années 1980 ».

Il place son espoir dans un recours à la « technologie », qui permettrait de mieux utiliser les ressources en eaux et produire plus avec moins, tout en notant que le renforcement des sanctions américaines contre son pays pourrait contrarier ces plans.

M. Kalantari ne cache pas être également préoccupé par la question démographique.

La politique de la République islamique en ce domaine a connu plusieurs phases depuis 1979. Prônant une politique très nataliste pendant la décennie 1980, les autorités ont ensuite encouragé la régulation des naissances et la contraception dans les années 1990, avant de recommander de nouveau une forte natalité à la fin de la décennie 2000.

À l'heure où Téhéran prône « l'économie de résistance » face aux sanctions américaines, M. Kalantari estime que l'Iran ne peut certainement « pas [être autosuffisant sur le plan alimentaire] pour 80 millions » d'habitants « si nous voulons suivre une politique de développement durable ».

L'Iran, dit-il, peut « pourvoir complètement [et durablement] aux besoins alimentaires de 50 à 55 millions d'habitants avec une technologie à jour et une hausse de sa productivité ».