Le détachement d'un gigantesque iceberg d'une plateforme de glace flottante de l'Antarctique, survenu mercredi, est «cohérent avec les changements climatiques», soutient un expert de l'Université McGill, qui insiste toutefois sur le fait qu'il faudra prélever des données pendant de nombreuses années avant de pouvoir affirmer avec certitude que le réchauffement planétaire est en cause.

«On ne peut pas faire de lien direct parce qu'on n'a pas assez de données sur de longues périodes de temps», explique Bruno Tremblay, professeur au département des sciences atmosphériques et océaniques de l'Université McGill, en entrevue avec La Presse canadienne.

L'iceberg, qui sera probablement baptisé A68, pèse 1000 milliards de tonnes et son volume équivaut à deux fois celui du lac Érié. Il s'est séparé de la banquise Larsen C, selon les chercheurs de l'université britannique Swansea.

La séparation s'est produite au cours des derniers jours, lorsqu'une section de 5800 kilomètres carrés est partie à la dérive.

Le détachement de calottes glaciaires telles que Larsen C fait partie de «la vie normale d'un glacier», a exposé M. Temblay, ajoutant toutefois que les changements climatiques peuvent accélérer le cours des choses.

«La neige tombe sur le continent, puis la glace s'écoule vers l'océan et arrive en bord de mer (pour ensuite) s'ancre(r) dans le fond marin pendant un moment, a-t-il dit en décrivant le processus normal. Quand l'eau devient trop profonde, cette calotte glaciaire (...) flotte à la surface et avec les marées, ça (les) fait casser et après elles se détachent et font de gros icebergs.»

Un phénomène surveillé de près

Le chercheur Adrian Luckman, de l'Université Swansea, a de son côté expliqué à l'Associated Press que cette séparation était anticipée depuis plusieurs mois, mais qu'il avait été surpris par le délai qui s'est écoulé avant que la fissure ne franchisse les derniers kilomètres.

Les satellites de la NASA et de l'Agence spatiale européenne surveillaient l'évolution de la situation. La séparation a finalement été constatée par une image infrarouge thermique prise par le satellite Aqua MODIS de la NASA.

Le nouvel iceberg pourrait être un des plus gros jamais mesurés. Il devrait maintenant se fragmenter en icebergs plus petits, dont certains qui pourraient dériver vers le nord.

«Il faudrait voir si, dans le futur, cette calotte glaciaire (amoindrie) va se reformer, va continuer à se détériorer et ça prend, parfois, des décennies ou des centaines d'années avant qu'on puisse savoir», a fait valoir le professeur Tremblay.

L'imposante structure de glace ne devrait pas poser de risques importants pour la navigation puisque des équipements permettent de détecter les icebergs à la surface et de prédire l'évolution de leur trajectoire.

L'événement qui s'est produit mercredi pourrait devenir de plus en plus fréquent, notamment en Antarctique de l'Ouest, région de la banquise Larsen C qui est source d'inquiétudes chez les scientifiques, a précisé M. Tremblay.

«Cette calotte glaciaire est ancrée sur quelques rochers au-dessus du niveau de la mer, mais plusieurs sont sous le niveau de la mer. Donc, lorsque la planète se réchauffe, la mer se réchauffe et ça fait fondre, en fin de compte, les piliers de ces glaces qui sont sur les fonds marins.»