Partir avec fracas au risque de faire s'écrouler l'édifice ou rester en recherchant des ajustements? Le président américain Donald Trump a du mal à trancher sur l'accord de Paris sur le climat et a repoussé sa décision très attendue.

Pendant sa campagne, l'homme d'affaires septuagénaire, qui martèle vouloir mettre fin à la «guerre contre le charbon», avait promis d'«annuler» cet accord conclu fin 2015 dans la capitale française par plus de 190 pays.

Mais depuis son installation à la Maison-Blanche, il a envoyé des signaux contradictoires, reflets des courants contraires qui traversent son administration sur la question climatique mais aussi, au-delà, sur le rôle des États-Unis dans le monde et leur rapport au multilatéralisme.

Une réunion prévue mardi à la Maison-Blanche pour discuter d'une éventuelle sortie des États-Unis de ce texte emblématique a été reportée à une date indéterminée.

Et son porte-parole Sean Spicer a précisé que M. Trump n'annoncerait pas sa décision avant son retour du sommet du G7 Italie (26 et 27 mai), contrairement à ce qui était initialement prévu. «Le président veut être certain d'avoir le temps de choisir la meilleure stratégie pour le pays», a-t-il déclaré, se refusant à donner toute indication sur la tonalité des discussions.

Or les délégations de plus de 190 pays réunis à Bonn pour avancer sur l'application du pacte ont les yeux braqués sur Washington: deuxième émetteurs mondiaux de gaz à effet de serre, les États-Unis sont au coeur du jeu.

Leur retrait serait un camouflet pour la «diplomatie climat» qui, il y a moins de 18 mois, célébrait à Paris un accord historique, rendu possible par un pacte âprement négocié entre Washington et Pékin. 

«Mauvais accord pour l'Amérique» 

Une solution politiquement habile pourrait être de rester dans l'accord, qui vise à limiter la hausse de la température mondiale en deçà de +2°C, mais de lancer un réexamen des objectifs américains.

Cela permettrait de garder un siège à la table des négociations tout en envoyant, en interne, le signal d'une forme de rupture avec l'administration démocrate de Barack Obama.

Les positions ne sont pas forcément là où on les attends le plus, si l'on se fie aux titres des personnes concernées.

Le patron de l'Agence de protection de l'environnement (EPA), Scott Pruitt, le dit ouvertement: il est favorable à une sortie de l'accord. «Nous devons en sortir. C'est un mauvais accord pour l'Amérique», affirmait-il mi-avril, déplorant, de manière erronée, que la Chine et l'Inde n'aient «aucune obligation d'ici 2030».

Le secrétaire à l'Energie, Rick Perry, est lui favorable à un maintien dans l'accord, tout comme le secrétaire d'État Rex Tillerson, ancien PDG du géant pétrolier ExxonMobil.

Le monde des affaires est, dans l'ensemble, sur la même ligne. Une douzaine de grands groupes, parmi lesquels le pétrolier BP, le géant de l'agrochimie DuPont, ou encore Google, Intel, Microsoft, ont pressé Donald Trump de ne pas en sortir.

L'objectif des États-Unis, fixé par l'administration Obama, est une réduction de 26% à 28% de leurs émissions de gaz à effet de serre d'ici 2025 par rapport à 2005.

Un réexamen pourrait se traduire par un objectif moins ambitieux avec la même date ou un changement de calendrier, en fixant par exemple un objectif à l'horizon 2030.

Pékin et Obama donnent de la voix

Une sortie pure et simple est plus compliquée qu'il n'y paraît, plusieurs années étant nécessaires, suivant les textes, avant que le retrait d'un pays ne devienne effectif.

Mais au-delà de ce point de procédure, l'annonce d'un retrait américain constituerait une véritable déflagration.

Car la lutte contre le changement climatique est d'abord affaire de signaux envoyés sur une volonté commune de limiter les émissions de gaz à effet de serre pour freiner l'envolée de la température mondiale. C'est en cela que l'accord de Paris fut une véritable percée.

Face aux hésitations américaines, la Chine a de nouveau affiché sa détermination à défendre l'accord de Paris. Lors d'une conversation avec le président français élu Emmanuel Macron, Xi Jinping a fait part mardi de sa volonté de «défendre» avec la France «les acquis de la gouvernance mondiale, dont l'accord de Paris sur le climat».

Plutôt discret depuis son départ de la Maison-Blanche, Barack Obama a lui aussi donné de la voix sur ce thème qui fut l'une des priorités de ses deux mandats.

«Il est important que les grands pays, qui sont de grands émetteurs (de gaz à effets de serre), montrent la voie», a-t-il lancé depuis Milan, dans un message aussi clair que possible à son successeur.

AP

Scott Pruitt