Les océans de la planète se sont réchauffés de manière marquée depuis 1997, et une bonne partie de cette chaleur s'est propagée à plus de 700 m de profondeur.

Ces conclusions d'une étude publiée dans Nature Climate Change permettent d'expliquer la supposée «pause» dans le réchauffement de l'atmosphère observée depuis 1998.

Cette fameuse «pause» a d'ailleurs pris fin en 2014 et surtout 2015, les deux années les plus chaudes jamais observées.

La recherche a été réalisée par une équipe américaine dirigée par Peter J. Gleckler, du laboratoire national Lawrence Livermore.

Les chercheurs ont rassemblé toutes les données qui peuvent nous éclairer sur la température des océans, y compris les relevés réalisés par le vaisseau britannique Challenger, lors d'une légendaire expédition océanographique au XIXe siècle.

Ils ont comparé les observations avec les prévisions des modèles climatiques afin d'en valider la fiabilité.

«C'est une recherche importante, elle apporte une nouvelle preuve de l'influence de l'activité humaine sur le système climatique, affirme Simon Donner, océanographe à l'Université de Colombie-Britannique. C'est très difficile de reconstruire le passé et cette étude a réussi à combiner toutes les données disponibles.»

Ce qui frappe le plus M. Donner, c'est ce qui s'est passé depuis une vingtaine d'années. «On savait que la plus grande part de la chaleur excédentaire due au réchauffement climatique va dans les océans, mais de voir que, depuis 1865, la moitié de cette absorption de chaleur s'est produite depuis 1997, c'est surprenant. Mais en même temps, cela concorde avec le ralentissement qu'on a vu dans le réchauffement sur les continents au cours de la même période.»

La température des océans est le facteur dominant de la météo mondiale. Cela tient à la capacité exceptionnelle de l'eau à emmagasiner la chaleur et à la restituer à l'atmosphère.

On l'a vu en 2015, avec la réapparition du phénomène El Ninõ dans le Pacifique, quand une masse d'eau chaude apparaît au large de l'Amérique du Sud.

«En 2015, on a connu un El Ninõ très fort et ce fut l'année la plus chaude jamais observée», rappelle M. Donner.

Une eau plus chaude a des répercussions multiples

1. Des cyclones plus forts

Les tempêtes puisent leur énergie dans les eaux chaudes. Et ces derniers mois, les météorologues ont écarquillé les yeux: on a même eu un ouragan en janvier en Atlantique, ce qui ne s'était vu qu'une seule fois depuis 1851, soit en 1938, et, simultanément, un cyclone dans le Pacifique. La saison 2015 a fracassé tous les records dans le Pacifique, en termes d'intensité et de nombre d'ouragans. «On a même eu en octobre une tempête qui a gardé son statut d'ouragan jusqu'au large de l'île de Vancouver, ce qui n'arrive pratiquement jamais», affirme M. Donner.

2. Des écosystèmes perturbés

De nombreux organismes marins sont adaptés à une plage de températures bien précise et peinent à survivre dans une eau plus chaude. «On a vu des récifs coralliens blanchis dans le Pacifique tropical en 2015», signale M. Donner. Et dans le Nord, le manque de harengs est la cause probable de la mort de dizaines de milliers de guillemots. «On le voit dans les fluctuations des montaisons de saumons, ajoute M. Donner. Cela peut passer de 30 millions une année à 1 million l'année suivante. Il y a plusieurs explications possibles, mais les changements dans la température de l'océan sont certainement l'une d'elles.»

3. Une hausse marquée du niveau de la mer

L'eau prend de l'expansion en se réchauffant et l'année 2015 en a été la preuve éclatante. «Une des choses qui arrivent pendant les phénomènes El Ninõ, c'est que le niveau de la mer monte d'un coup, affirme M. Donner. Et depuis un an, on a vu un bond énorme.» Selon les données satellitaires, le niveau des océans a monté d'un centimètre en 2015, ce qui est trois fois plus rapide que la moyenne observée depuis 1993. À l'inverse, pendant une période La Nina, le niveau des océans peut même baisser.

4. Un impact jusque sur nos côtes

Comme le rapportait cette semaine Le Soleil, l'eau des profondeurs de l'estuaire et du golfe du Saint-Laurent n'a jamais été aussi chaude en 100 ans, selon une étude de Pêches et Océans Canada. Cela se répercute sur les côtes en retardant la formation de la glace de mer. Les rivages se retrouvent sans protection pendant les tempêtes. Les scientifiques craignent aussi pour la survie de certaines espèces, comme la crevette et le sébaste.