Six ans après le rendez-vous manqué de Copenhague, les intenses tractations pour engager la communauté internationale dans une lutte d'une ampleur inédite contre le réchauffement de la planète devraient aboutir samedi à Paris à l'adoption d'un accord mondial sur le climat.

« Toutes les conditions sont réunies pour obtenir un accord universel ambitieux » et elles n'ont jamais été « aussi favorables », a estimé vendredi soir Laurent Fabius, le ministre français des Affaires étrangères, après 12 jours de pourparlers au Bourget (nord de Paris).

Lors du coup d'envoi de la 21e conférence sur le climat de l'ONU, 150 chefs d'État sont venus à Paris exprimer l'urgence à agir face à un réchauffement qui aggrave les phénomènes extrêmes (vagues de chaleur, sécheresses, inondations, etc.) et menace la productivité agricole, les ressources marines et les réserves en eau dans de nombreuses régions.

La montée des océans met aussi en danger certains États insulaires, comme les îles Kiribati, et des communautés côtières, au Bangladesh par exemple.

Ces deux derniers jours, des coups de fil entre les chefs d'État, notamment de la Chine, des États-Unis, de la France, de l'Inde et du Brésil ont été échangés pour s'assurer que les discussions au Bourget ne s'embourbaient pas.

Dans la nuit de jeudi à vendredi, une réunion de négociation avait vu réapparaître des positions rigides de la part de certains pays, faisant craindre un blocage dans les discussions.

Les délégués, le visage chaque jour un peu plus tiré, étaient repartis vers leur hôtel à l'aube, sans que de nouveaux compromis aient été trouvés.

« Sur un sujet aussi complexe, chacun n'obtiendra pas 100 % de ce qu'il demande, quand il y a 195 pays, si chacun exige les 100 %, finalement chacun obtient 0 % », a prévenu Laurent Fabius, le président de la COP.

Pour avoir le temps de consulter les pays, la France a reporté la présentation du texte final en séance plénière de vendredi soir à samedi matin 9 h (3 h, heure de l'Est). Si l'accord fait consensus, une nouvelle plénière sera convoquée quelques heures plus tard pour une adoption formelle, qui ne passe pas par un vote.

Tester des formules 

L'accord, qui entrera en vigueur en 2020, doit accélérer un mouvement réduisant l'utilisation des énergies fossiles (charbon, pétrole, gaz), favorisant les énergies renouvelables et modifiant la gestion des forêts et des terres agricoles.

Les engagements des pays à 2025-2030, pris en vue de la COP, pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, mettraient la planète sur une trajectoire de +3°C par rapport à l'ère préindustrielle, loin des +2°C ou moins souhaitables pour limiter les dérèglements.

Pour faire accepter un texte à 195 nations, la présidence française doit trouver un équilibre délicat entre « les lignes rouges » des pays et des formulations trop vagues qui priveraient le texte d'ambition.

Dans ce but, Laurent Fabius a enchaîné vendredi les consultations dans son bureau avec les chefs de délégations: États-Unis, Union européenne, Chine, Afrique du Sud, groupe Afrique, etc. « Cela va nous permettre de procéder aux derniers ajustements et demain matin de présenter le texte final », a dit le ministre.

« Il s'agissait de tester différentes formules de consensus avec les délégations qu'il recevait », a expliqué à l'AFP Matthieu Orphelin, porte-parole de la Fondation Nicolas Hulot.

Les derniers sujets de divergences portent principalement sur l'aide aux pays du Sud pour faire face au changement climatique, sur le niveau d'ambition de l'accord et le respect du principe de « différenciation », qui implique que les pays développés agissent en priorité, au nom de leur responsabilité historique dans les émissions de gaz à effet de serre.

« Vous ne pouvez pas demander au Lesotho d'avoir les mêmes obligations que la Pologne, ou au Bostwana d'avoir les mêmes que les États-Unis, sans différenciation », a souligné vendredi Nozipho Mxakato-Diseko, l'ambassadrice sud-africaine, porte-parole du groupe des pays en développement.

Concernant les financements, les pays en développement réclament que la somme de 100 milliards de dollars promise d'ici 2020 soit augmentée les années suivantes. Quant aux pays développés, ils veulent mettre à contribution les émergents (Corée du Sud, Brésil, pays pétroliers...).