La délégation canadienne demeure optimiste à Paris malgré le dépassement de l'échéance de vendredi pour la conclusion d'une entente à la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques, la COP21.

Cependant, une des priorités du Canada, la tarification du carbone, a été affaiblie dans la plus récente ébauche d'entente soumise jeudi soir, tandis que les dispositions sur les autochtones ne sont pas encore suffisantes, selon le gouvernement canadien. En revanche les travailleurs canadiens du secteur des hydrocarbures pourraient avoir fait des gains.

La ministre fédérale de l'Environnement, Catherine McKenna, a fait savoir qu'elle «était encouragée par les progrès» faits durant la nuit de jeudi à vendredi.

Les tractations se poursuivaient activement, vendredi, dans l'enceinte du Bourget, malgré le dépassement de l'échéance, afin d'en arriver maintenant à un règlement samedi.

Dans un bref courriel adressé aux médias, vendredi à 14h25 (heure de Paris), Mme McKenna a dit qu'elle avait noté «une bonne coopération autour de la table sur bon nombre de questions qui sont prioritaires pour le Canada».

Rappelons que la ministre agit aussi comme facilitatrice pour rapprocher les parties dans les négociations, au nom du président de la Conférence, le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius.

À sa satisfaction, Mme McKenna a fait remarquer que le tout dernier brouillon d'accord contient un engagement à limiter la hausse de température à «bien en dessous de 2 degrés Celsius» ainsi que «la poursuite des efforts de limiter la hausse à 1,5 degré».

Elle a rappelé que le Canada avait justement plaidé en faveur de cette reconnaissance de l'urgence de la menace pour les petits États insulaires.

De même, elle se réjouit de «l'engagement à augmenter progressivement» cette cible tous les cinq ans, ainsi que l'engagement «à la transparence dans le processus de rapport et d'examen de chaque pays».

Selon elle, «ces éléments sont essentiels afin d'achever un succès à long terme» de l'accord. Elle termine son message avec une note d'espoir sur l'issue des discussions, qui devrait mener au dépôt d'un texte final samedi matin 9 h 00, heure de Paris.

«Nous entamons maintenant la dernière ligne droite, a-t-elle conclu. J'ai l'espoir que les jours et heures ultimes verront toutes les parties avec moi à la table et travaillant ensemble pour conclure cet accord. Et que cet accord nous montrera le chemin vers une économie plus verte et une planète plus propre.»

Optimisme partagé

L'écologiste Steven Guilbeault, d'Équiterre, qui suit les négociations sur place, a aussi exprimé un certain optimisme, bien que la séance plénière d'adoption de samedi pourrait s'étirer, si des pays soumettent des objections.

«L'humeur est assez bonne présentement», a-t-il dit en entrevue, de ce qu'il a pu entendre des observateurs et intervenants.

«Ce qu'il y a sur la table est pas mal intéressant. Ce ne sera pas tout ce qu'on aurait voulu, mais ce ne sera pas une entente à rabais non plus. Il y aura des lacunes, mais il y aura beaucoup d'éléments intéressants, si on ne perd pas trop (d'éléments dans l'ébauche) entre aujourd'hui (vendredi) et demain (samedi).»

Cependant, à son avis, le ministre Laurent Fabius n'aura pas beaucoup de marge de manoeuvre, une fois le texte final déposé, si les États commencent à le triturer.

«C'est son évaluation de ce que représente le meilleur compromis possible. Si on se met à tirer d'un côté ou de l'autre, c'est un château de cartes, tout peut tomber.»

Sur l'enjeu des droits des peuples autochtones, la ministre fédérale veut des termes plus forts intégrés dans le texte et non seulement dans le préambule.

«Je continue à plaider en faveur de l'inclusion de langage (sic) sur les droits humains et les droits des peuples autochtones dans le texte de l'Accord de Paris.»

Un paragraphe du préambule affirme actuellement que les parties doivent notamment tenir compte des «droits des peuples indigènes» dans le développement de leurs politiques et dans leurs actions pour s'attaquer aux changements climatiques.

Ce projet final d'accord prévoit des mesures de transition pour les travailleurs qui seraient frappés par la décarbonisation graduelle de l'économie.

Ainsi les travailleurs de l'importante industrie pétrolière canadienne, en Alberta ou ailleurs, pourraient ainsi réclamer et obtenir des programmes de formation et de recyclage.

Les parties doivent tenir compte, peut-on lire, «des impératifs d'une transition juste de la main-d'oeuvre, de la création d'emplois de qualité, conformément aux priorités de développement définies sur le plan national».

Steven Guilbeault y voit une avancée importante, et des représentants syndicaux des travailleurs de Fort McMurray, en Alberta, lui ont confirmé cette avancée.

«Ils disent: on fait partie du problème, on veut faire partie de la solution, aidez-nous. Alors (on verra) comment on crée des programmes de transition pour ces travailleurs qui vont perdre leur emploi.»

Sur la notion du prix du carbone, préconisée par le Canada comme un des moyens efficaces de réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES), l'ébauche actuelle reconnaît ce principe, mais limite sa portée.

Plutôt que de lier cette notion aux parties prenantes qui sont les États, les dispositions sont comprises dans la section consacrée aux acteurs non étatiques.

Or la Fondation Nicolas Hulot, du nom de l'envoyé spécial pour la protection de la planète du président François Hollande, indique que des pays ont fait obstruction pour que les États ne soient pas liés au mécanisme de tarification du carbone.

Dans un message transmis vendredi, un porte-parole de la fondation, Matthieu Orphelin, a confirmé que «la référence au prix du carbone est maintenant limitée aux acteurs non étatiques», ce qu'il a déploré, car «ce sont les États qui ont la main sur la fiscalité et la mise en place systèmes quotas».

Dans une entrevue au quotidien français Libération, il dénonçait le fait que «l'Arabie saoudite et le Venezuela se sont exprimés contre le prix du carbone. C'est inadmissible qu'ils aient gain de cause, alors ce prix du carbone, sous la forme de quotas ou de taxe, est un outil efficace pour lutter contre le réchauffement climatique».

Cependant, Steven Guilbeault a minimisé l'importance de ce revers. À ses yeux, les mécanismes de fixation des prix du carbone seront mis en place, qu'ils soient reconnus ou non.

«Je n'ai jamais beaucoup cru à l'importance d'avoir cela dans le texte», a-t-il dit.

Mme McKenna et le premier ministre Philippe Couillard avaient aussi affirmé que l'absence d'une mention de la tarification du carbone n'allait pas changer grand-chose à la réalité.

Questionné à savoir pourquoi alors M. Couillard a demandé son insertion dans le texte, il avait répondu : «Parce qu'on demande toujours mieux.»

Plusieurs provinces canadiennes ont déjà annoncé ou mis en place des mécanismes de tarification du carbone pour limiter les émissions de gaz à effet de serre de leurs entreprises, afin d'atteindre les cibles de réduction. Le Québec, l'Ontario, le Manitoba participent à une bourse du carbone commune, tandis que l'Alberta et la Colombie-Britannique ont mis en place une taxe sur le carbone.

Dans les tractations de la dernière chance qui se déroulaient vendredi soir au Bourget, il ne restait qu'une cinquantaine de crochets à faire disparaître dans le texte de 27 pages, soit des objections que les pays ont émises.

L'enjeu de la cible de limitation à 1,5 degré du réchauffement a été résolu. Celui des pertes et préjudices dans les pays en développement, qui désignent les conséquences des phénomènes météo extrêmes, est aussi abordé, mais sans reconnaître de mécanisme de dédommagement.

Quant aux fameux 100 milliards de dollars par an promis par les pays industrialisés aux pays du Sud pour faire face aux perturbations climatiques, il apparaît aussi dans le texte comme un plancher qui pourrait être revu à la hausse.