Les négociations de Paris font souvent référence à la nécessité de limiter le réchauffement de l'atmosphère terrestre à deux degrés. Depuis quelques années, plusieurs scientifiques ont relevé le côté arbitraire et quasi utopique de cette mesure. D'autres réclament que le réchauffement soit limité à 1,5 °C. Des climatologues suisses font cette semaine le point sur la question dans la revue Nature Geoscience.

L'origine

Selon Reto Knutti, l'auteur principal de l'étude de Nature Geoscience, c'est un économiste américain, William Nordhaus, qui a pour la première fois mentionné le seuil de 2 °C, il y a 40 ans, parce que c'était le maximum atteint dans le dernier million d'années. Dans les années 90, l'Union européenne l'a adopté. «Depuis, le public a l'impression que c'est une cible incontournable, scientifiquement prouvée, dit M. Knutti, en entrevue depuis l'Institut fédéral de technologie de Zurich. Au contraire: la science ne peut pas déterminer de cible, seulement définir un niveau de risque. C'est à la société d'accepter ou non ce niveau de risque, comme pour l'énergie nucléaire ou la limite de vitesse sur l'autoroute.»

+ 2 degrés

Pour retrouver une température 2 degrés plus élevée que la température moyenne mesurée dans les années 1800, il faut remonter à plus d'un million d'années.

+ 1,5 degré

Pour retrouver une température 1,5 degré plus élevée que la température moyenne mesurée dans les années 1800, il faut remonter à 1000 ans.

Sources: Nature Geoscience, Wall Street Journal

1,5 ou 2 degrés?

Le danger, selon les critiques du «2 degrés», c'est de rendre les politiciens et la population défaitistes parce qu'il sera très difficile d'atteindre cette cible. Les partisans du «1,5 degré», eux, soulignent que c'est à ce point que l'augmentation à long terme du niveau de la mer grimpe en flèche, selon les modèles climatiques. Le problème, c'est qu'il y a beaucoup d'incertitude sur ce point. Selon l'étude de Nature Geoscience, à 1 degré, l'augmentation à long terme du niveau de la mer est entre 1 et 3 mètres; à 1,5 degré, entre 2 et 12 mètres; et à 3 degrés, entre 11 et 15 mètres.

Le verdict

Selon Reto Knutti, il faut redoubler les efforts pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, au lieu de discourir de la cible idéale. «Négocier une cible de 1,5 ou 2 ou 3 degrés, c'est comme si des gens restaient attablés dans la cuisine alors qu'un incendie faisait rage dans leur immeuble, pour décider s'il valait mieux sortir de la maison par l'escalier ou par l'ascenseur. Il faut négocier les moyens qui seront pris pour réduire les émissions d'où nous partirons, plutôt que du lieu où nous arriverons.»

Trois autres cibles

À part la hausse de la température atmosphérique, quels sont les autres indicateurs utilisés pour calculer le réchauffement?

-Concentration de gaz à effet de serre (GES) dans l'atmosphère: avant l'industrialisation, l'atmosphère avait 270 parties par million (PPM) de CO2. La concentration est maintenant de 400 PPM. Certains groupes militent pour la ramener à 350 PPM. Le problème, c'est qu'il y a d'autres types de GES et que les impacts de l'effet de serre accru sont incertains.

- Énergie supplémentaire absorbée par la planète à cause de l'effet de serre accru: c'est la meilleure manière de tenir compte de l'absorption par les océans de 90% de l'énergie solaire qui arrive sur Terre. Contrairement à la température atmosphérique, celle des océans augmente très lentement, et les données antérieures au XXIe siècle sont imprécises.

- Augmentation du niveau de la mer: c'est le marqueur le plus précis, mais il est très difficile à déterminer parce qu'il faudra des milliers d'années pour que les glaciers du Groenland et de l'Antarctique fondent. Et même si les concentrations de CO2 baissent, la désintégration des glaciers pourrait se poursuivre s'ils sont fragilisés.