Les nations arctiques tiennent vendredi un mini-sommet dans le Grand Nord canadien où il sera question de réchauffement climatique, mais aussi de tensions croissantes avec la Russie, acteur incontournable dans cette région extrêmement isolée.

L'Arctique se réchauffe deux fois plus rapidement que le reste de la planète et, le mois dernier, le gouvernement américain a indiqué que la banquise avait atteint son plus bas niveau cet hiver depuis le début des observations par satellite, à la fin des années 1970.

La fonte du sommet de la Terre inquiète tant pour ses conséquences sur la hausse du niveau des océans, que sur l'effet de serre avec la libération de quantités astronomiques de gaz carbonique et de méthane qui étaient jusqu'à présent stockées dans le sous-sol gelé.

Le recul de la banquise permet, dans le même temps, de miser sur l'ouverture de nouvelles routes commerciales reliant l'Asie à l'Europe et attise la convoitise du secteur pétrolier et gazier qui lorgne d'immenses gisements vierges.

Ces nouvelles opportunités s'accompagnent toutefois de nouveaux défis et rivalités que les États-Unis devront apprivoiser en prenant, à l'issue du sommet, la présidence du Conseil de l'Arctique pour les deux prochaines années.

Le secrétaire d'État américain John Kerry est arrivé vendredi à Iqaluit, capitale du territoire inuit du Nunavut située au sud de l'île de Baffin, au nord-est du Canada.

Il y a retrouvé les délégations des autres pays membres de cette instance régionale: le Canada, le Danemark, la Finlande, l'Islande, la Norvège, la Russie et la Suède.

Les débats se tiennent en présence d'observateurs provenant de groupes autochtones, d'organisations environnementales et de certains pays comme la Chine.

Dans le Washington Post, M. Kerry s'est ému jeudi des «dangers énormes» que pourrait engendrer la fonte de la calotte glaciaire du Groenland.

«Ces dangers qui s'accumulent, et le fait que ce sont des régions sauvages et immaculées qui sont affectées devraient peser sur notre conscience», a dit M. Kerry.

Tout en voulant s'attaquer au changement climatique, Washington souhaite également consacrer sa présidence du Conseil à l'amélioration de la réglementation du transport maritime dans cette région et de la qualité de vie de ses quatre millions d'habitants.

Tensions militaires

Les tensions sous-jacentes sont toutefois vives depuis que la Russie, visée par des sanctions pour son rôle dans la guerre dans l'est de l'Ukraine, a commencé à montrer ses muscles en organisant des manoeuvres militaires inédites dans l'Arctique.

Le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov est absent de la rencontre, remplacé par le ministre de l'Environnement Sergueï Donskoi.

Et la semaine dernière, la Norvège s'est dite agacée par la visite du vice-premier ministre russe Dmitri Rogozine dans l'archipel du Svalbard. Bien qu'interdit de visite en territoire norvégien en raison des sanctions européennes, M. Rogozine a pu mettre le pied sur cet archipel polaire grâce à un traité de 1920 qui prévoit, même si le Svalbard est administré par la Norvège, une «égale liberté d'accès» aux ressortissants de tous les pays signataires.

Sur un ton ironique, M. Rogozine a publié sur Twitter des photos de sa visite, soulignant l'influence russe dans cette partie de l'Arctique.

Autre source d'inquiétude: au début du mois, des navires russes ont mouillé dans ce qui fut une base navale norvégienne secrète dans l'Arctique.

«La dislocation de l'Arctique a des conséquences considérables», estime Rafe Pomerance, chef d'Arctic 21, qui rassemble des ONG travaillant sur le climat et les politiques environnementales.

Outre la fonte des glaces et la montée du niveau des océans, le changement climatique engendre la disparition du pergélisol (sous-sol gelé en permanence). Ce phénomène libère le dioxyde de carbone emprisonné dans le sous-sol qui va rejoindre dans l'atmosphère la cohorte des gaz à effet de serre.

«Le sort de l'Arctique a des conséquences pour toutes les villes côtières de la planète», assène Rafe Pomerance.

Pour s'attaquer au réchauffement climatique, l'ONU organise une conférence sur le climat à Paris à la fin de l'année. Le but est de parvenir à un accord pour limiter à 2 degrés le réchauffement climatique d'ici la fin de ce siècle, par rapport à l'ère pré-industrielle.

Mais John Kerry a jugé dans le Washington Post que «nous sommes loin du but, et cela m'inquiète beaucoup».