Devant les blocages tant à l'international qu'au fédéral, la lutte contre les changements climatiques au Canada doit passer par les provinces. Et cela a des chances de fonctionner en pratique.

C'est en gros les conclusions d'une étude pancanadienne réalisée par la Commission de l'écofiscalité du Canada, qui est dévoilée aujourd'hui.

Cet organisme est dirigé par des universitaires et d'anciens hauts fonctionnaires influents. Son conseil consultatif réunit plusieurs ex-politiciens fédéraux et provinciaux, dont Jean Charest, Preston Manning, Paul Martin et Bob Rae.

Son premier rapport, La voie à suivre, recommande à toutes les provinces d'imiter le Québec et la Colombie-Britannique en tarifant les émissions de gaz à effet de serre, soit par une taxe, soit par un marché du carbone.

Le fédéral n'a pas à s'y impliquer pour le moment, croit-on.

«On n'est pas là pour faire un système parfait de tarification du carbone du point de vue théorique, mais pour y arriver dans un contexte canadien», explique le président de la Commission, l'économiste Chris Ragan, professeur à l'Université McGill et chercheur à l'Institut C.D. Howe.

Ceci rejoint une déclaration récente du chef libéral Justin Trudeau. Lors d'une entrevue radiophonique en janvier dernier, M. Trudeau a déploré l'inaction fédérale en matière de climat tout en affirmant que les provinces devaient prendre les devants.

Ce n'est pas l'opinion du Nouveau Parti démocratique, qui prône un marché du carbone pancanadien. Cependant, c'est peut-être ce qui se formera à moyen ou long terme, affirme la Commission de l'écofiscalité, qui prône une «coordination graduelle des politiques provinciales».

Taxe ou marché du carbone?

Mais que choisir, une taxe ou un marché du carbone? L'étude de la Commission, délibérément, ne tranche pas ce débat.

Cependant, c'est l'approche du marché, choisie par le Québec, qui semble avoir le vent dans les voiles.

En effet, l'Ontario serait sur le point d'annoncer qu'il lancera à son tour un marché du carbone, selon ce que rapportait récemment le Globe and Mail.

L'annonce pourrait survenir dans le contexte du Sommet des provinces sur le climat, qui se tiendra à Québec le 13 avril prochain.

«Le timing du rapport est excellent, a noté en entrevue avec La Presse Jean Charest, ex-premier ministre et associé chez McCarthy Tétreault. L'arrivée de l'Ontario, pour le Québec, ce sera une victoire importante. Avec l'Ontario, on va couvrir 80% de l'économie canadienne.»

Plusieurs raisons politiques et économiques militent pour une mosaïque de systèmes provinciaux, affirme le rapport.

Avant tout, il y a l'épineuse question de la répartition du pactole des redevances qui seraient perçues sous forme de taxe ou de droits d'émission.

Un jeu où l'Alberta, de loin la plus grosse émettrice de gaz à effet de serre (GES), sortira perdante, si tout est centralisé, note-t-on: «Les recettes générées par toute politique imposée par Ottawa seraient proportionnelles aux niveaux d'émissions, de sorte que 36% d'entre elles proviendraient de l'Alberta.»

Mais il y a de l'espoir pour la mise en place d'un système plus efficace dans cette province, affirme M. Ragan. «On sait qu'ils doivent s'assurer que leur production ait accès aux marchés, dit-il. Ma prédiction, c'est que les Albertains vont trouver que cela est dans leur intérêt.»

Quoi qu'il en soit, d'autres efforts seront nécessaires, même si on note que toutes les provinces ont adopté une cible de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

En effet, toutes sauf deux (la Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve-et-Labrador) vont rater leurs cibles pour 2020 avec les mesures actuellement en place. Même le Québec et la Colombie-Britannique, les provinces les plus exigeantes.