Contrairement à ses deux partenaires nord-américains, le gouvernement Harper ne déposera pas cette semaine ses cibles de réductions d'émissions de gaz à effet de serre (GES), en prévision de la prochaine grande conférence mondiale de l'ONU sur les changements climatiques, en décembre à Paris.

Cette grande ronde de négociations, une suite à la conférence de Copenhague en 2009, vise à établir de nouvelles cibles pour les années 2020. Dans le but de faciliter les négociations, les pays étaient invités à soumettre avant le 31 mars, s'ils en étaient prêts, leurs cibles et leurs moyens d'action afin de réduire leurs émissions de GES.

Les États-Unis devaient annoncer leurs cibles d'émissions lundi ou mardi, mais Washington en a déjà donné les grandes lignes en novembre, en annonçant une entente majeure avec la Chine sur les changements climatiques.

Le Mexique, lui, a été le premier pays développé à annoncer ses cibles en vue de la conférence de Paris: ses émissions devraient atteindre un apogée d'ici 2026, mais diminuer de 22 pour cent sous les niveaux «normaux» d'ici 2030.

Vendredi dernier, les États-Unis et le Mexique ont par ailleurs convenu de créer un comité mixte qui verra à arrimer les politiques des deux pays en matière de changements climatiques.

Mais le Canada a déjà prévenu qu'il ne pourra déposer ses cibles avant la date butoir de mardi - ou même plus tard cette semaine. Et bien que le gouvernement conservateur de Stephen Harper ait répété à maintes reprises qu'il voulait aligner ses positions sur celles de ses deux partenaires nord-américains en cette matière, le Canada ne fait pas partie du comité mixte créé la semaine dernière par Washington et Mexico.

«Avant de soumettre ses cibles, le Canada veut s'assurer de connaître ce que comptent faire les provinces et territoires», expliquait dimanche dans un courriel un porte-parole de la ministre de l'Environnement, Leona Aglukkaq. Ted Laking a cependant indiqué que le gouvernement canadien déposera les détails des contributions nationales «bien avant» la conférence de décembre, comme l'ont demandé les organisateurs.

Quant à l'entente mexicano-américaine sur le climat, elle reprend, selon M. Laking, «l'essentiel de ce que le Canada a déjà entrepris de façon bilatérale avec chacun de ces pays, notamment une harmonisation des réglementations nationales, et une collaboration en matière d'efficacité énergétique des réseaux électriques et d'énergie verte».

Le Canada et les États-Unis ont paraphé en 2009 le «Dialogue sur l'énergie propre», qui prévoit la création de groupes de travail dans des secteurs spécifiques, comme le parc automobile ou les réseaux électriques. Plus récemment, le premier ministre Harper indiquait que le Canada ne pouvait réglementer l'industrie du pétrole et du gaz sans coordonner ses efforts avec les États-Unis et le Mexique. «Nous souhaitons une initiative continentale dans ce secteur», indiquait-il en décembre.

Selon Louise Comeau, directrice du Réseau action climat Canada, l'entente conclue vendredi par les États-Unis avec le Mexique semble prévoir le même type de comités mixtes que Washington a déjà créés avec la Chine et l'Inde. Et selon elle, il est important de déposer à l'avance ses objectifs afin de faciliter le plus possible les négociations à venir à la conférence de Paris. Mais Mme Comeau admet qu'Ottawa doit d'abord connaître les mesures qu'adopteront l'Ontario et l'Alberta avant de déposer les cibles nationales du Canada.

Le gouvernement de l'Ontario a promis de mettre un prix sur les émissions de carbone dès cette année - probablement en juin - et l'Alberta aurait dû déjà renouveler et augmenter son fonds de technologies du carbone dans lequel contribuent les gros émetteurs de GES.

Le Canada devra d'ici 2025 réduire du tiers, environ, ses émissions actuelles afin d'être au diapason avec les États-Unis, et la contribution des seules provinces ne suffira pas, a estimé Mme Comeau. «Pour ce faire, Ottawa devra mettre quelque chose sur la table», a-t-elle soutenu.