Un négationniste du réchauffement de la planète responsable de la NASA et de ses satellites météorologiques? Un autre qui affirme ne pas faire confiance aux scientifiques sur la question... mais qui supervise la plus grande agence de recherche sur le sujet? C'est la situation qui prévaut à Washington depuis que les républicains ont pris le contrôle du Sénat, début janvier. Portrait de deux hommes dont les idées et les responsabilités risquent d'entrer en pleine collision.

TED CRUZ

Qui est-il?

Sénateur du Texas affilié au Tea Party, le mouvement le plus conservateur au sein du Parti républicain, Cruz occupe une place de choix parmi les candidats potentiels au sein de la formation politique en vue de l'élection présidentielle de l'an prochain.

Nouvelles responsabilités

Ted Cruz a été nommé le 8 janvier président du sous-comité du Sénat sur l'espace, la science et la compétitivité.

D'où vient l'inquiétude

Sous la responsabilité de Ted Cruz se trouve maintenant la NASA - une agence qui joue un rôle crucial dans l'étude des changements climatiques. Mesure du niveau des océans, suivi des températures de l'atmosphère et des océans, analyse d'innombrables données sur le climat provenant des satellites: la NASA investit annuellement entre 1,2 et 1,4 milliard US pour l'étude de la Terre.

Quels seront les impacts de la nomination?

«C'est difficile à dire pour l'instant de façon précise, répond Jeremy Symons, directeur des politiques climatiques à l'Environmental Defense Fund. Nous nous posons des questions sur les niveaux de financement et sur toute ingérence qu'il pourrait y avoir au sein de l'agence. Évidemment, les budgets sont octroyés par un autre comité du Sénat. Mais au bout du compte, il n'est pas sain d'avoir un sénateur responsable d'un comité scientifique qui ne fait pas confiance aux scientifiques sur une question aussi claire que celle des changements climatiques.»

MARCO RUBIO

Qui est-il?

Ce fils d'immigrés cubains est sénateur de la Floride. Comme Cruz, il est affilié au Tea Party et fait partie des candidats potentiels à la course à l'investiture du Parti républicain. Son cheval de bataille est la réforme du système d'immigration américain.

Nouvelles responsabilités

Marco Rubio a été nommé le 8 janvier dernier président du sous-comité du Sénat sur les océans, l'atmosphère, les pêches et la garde côtière.

D'où vient l'inquiétude

Rubio se trouve à superviser la puissante National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA), qui dispose d'un budget de plus de 5 milliards US et gère notamment un important parc de satellites essentiels à la compréhension des océans et de l'atmosphère. La NOAA a une division complète qui étudie le climat et son évolution.

Quels seront les impacts de la nomination?

Il faut savoir que les républicains ont régulièrement tenté de miner la NOAA. En 2011, ils ont fait adopter une loi réduisant le budget alloué à son programme de satellites. L'an dernier, ils ont tenté d'obliger l'agence à consacrer davantage d'argent aux prévisions météorologiques et moins à l'étude du climat. Selon une analyse publiée cette semaine par le Washington Post, la nomination de Rubio pourrait faciliter l'adoption de ces mesures. «Il y a toutes sortes d'ingérences possibles, dit Jeremy Symons, de l'Environmental Defense Fund. Mais j'ai l'impression que le président Obama défendra farouchement l'intégrité scientifique tant de la NOAA que de la NASA.»

Ils ont dit

«Il fait vraiment froid à Washington! Je dois dire que je suis surpris. Al Gore nous avait dit que ça n'arriverait pas.»

-Ted Cruz à des journalistes, l'hiver dernier, au sujet du réchauffement climatique

«Je ne suis pas un scientifique, man. Je peux vous dire ce que l'histoire dit, je peux vous dire ce que la Bible dit, mais je crois qu'il s'agit d'une dispute entre théologiens qui n'a rien à voir avec notre produit intérieur brut ou la croissance économique des États-Unis.»

-Marco Rubio interrogé sur l'âge de la Terre

Un consensus scientifique déchire le sénat

Les activités humaines contribuent significativement au réchauffement de la planète: voilà ce que martèlent les scientifiques depuis des années. Mais les sénateurs américains ont ressenti le besoin, cette semaine, de se prononcer aussi sur la question. Résultat: la motion a été approuvée par 50 sénateurs... contre 49 qui l'ont rejetée. Lors d'un premier vote, les sénateurs américains avaient voté à 98 contre 1 pour la motion voulant que le réchauffement climatique existe et ne soit pas un «canular». Seul le sénateur républicain du Mississippi, Roger Wicker, a voté pour le canular. Ted Cruz et Marco Rubio ont tous deux voté pour l'existence des changements climatiques, mais contre l'idée de l'attribuer aux activités humaines. Les deux motions avaient été déposées par les démocrates au cours d'un débat sur le projet de l'oléoduc Keystone XL.