La Chine et l'Inde ont fait passer haut et fort leur message à la conférence climat de Varsovie: il faudra leur demander bien moins qu'aux pays du Nord pour lutter contre le réchauffement, une attitude qui augure de bras de fer musclés d'ici 2015.

La fermeté des deux grands émergents a dominé ces négociations, qui ont frôlé la catastrophe avant d'aboutir finalement à un accord samedi au terme d'une dernière ligne droite de près de 30 heures.

De quoi faire dire à la commissaire européenne pour le Climat, Connie Hedegaard: «Est-ce que le chemin va être facile jusqu'à Paris? Ceux qui ont vu ce qui s'est passé ici ces derniers jours savent que ce ne sera vraiment pas le cas!».

En 2011 à Durban, la communauté internationale s'est engagée à conclure à Paris en 2015 un accord qui doit justement embarquer tous les pays dans un accord sur les réductions d'émissions de gaz à effet de serre (GES).

Légalement contraignant, il devra être suffisamment ambitieux pour dévier le monde de l'actuelle inquiétante trajectoire d'une hausse des températures de 4°C, et la contenir à 2°C par rapport à l'ère pré-industrielle.

«L'enjeu de la négociation est de changer la vision du monde, passer celle de 1990», quand ont été lancées ces grandes négociations onusiennes sur le changement climatique, «à celle de 2020», explique à l'AFP le ministre français du Développement Pascal Canfin, qui négocie pour la France.

Jusqu'à présent, la responsabilité était divisée en deux dans ces grandes négociations: pays industrialisés d'un côté, en développement de l'autre. Cette frontière était consacrée dans le protocole de Kyoto signé en 1997 et n'engageait que les premiers à réduire leurs émissions de GES.

«Mais depuis, l'équilibre a totalement changé», souligne Robert Stavins de la Harvard Kennedy School. «Les émissions stagnent, voire baissent, dans les pays de l'OCDE, et elles augmentent dans ce qu'on appelle le monde en développement, en particulier les économies émergentes», poursuit-il.

En 2010, les émissions des pays en développement représentaient 60 % des émissions totales de GES, environ 23 % pour la Chine et 5 % pour l'Inde, contre près de 15 % pour les États-Unis et 11 % pour l'Union européenne.

Pour autant, la Chine et l'Inde, au nom de la «responsabilité historique» des pays du nord dans le réchauffement et leur droit au développement, insistent sur le maintien de la sacro-sainte ligne de partage.

Et cette position, catégoriquement rejetée par les États-Unis qui ne veulent pas de traitement de faveur pour leur principal concurrent économique qu'est la Chine, commence à susciter de vives critiques, et pas uniquement parmi les pays du Nord.

«Il est important que les pays en développement réalisent qu'ils ne peuvent pas s'enterrer la tête dans le sable en se contentant de dire: "vous êtes responsables du problème, on est juste en train de faire ce que vous avez fait avant nous"», déclare à l'AFP le président de Greenpeace International, Kumi Naido.

Il faut que les économies émergentes prennent «les responsabilités qui vont avec le nouveau pouvoir qu'elles ont», ajoute-t-il.

Un souhait également exprimé par les pays moins développés. «Nous ne nous attendions pas à ce que les émergents ouvrent la boîte de Pandore» à Varsovie, a déclaré à l'AFP Tony de Brum, représentant des îles Marshall du Pacifique, menacées par la hausse du niveau des mers.

Mais la position est compliquée pour ces petits pays en développement qui, déçus par le manque d'engagement notamment financier des pays du Nord, ont besoin de l'appui des grands émergents pour faire entendre leur voix.

«On n'a pas intérêt à lâcher la Chine. Chaque fois que les pays en développement ont obtenu quelque chose de sérieux, c'est quand ils étaient unis», explique le porte-parole du groupe Afrique, Seyni Nafo

Pour autant, juge M. De Brum, «il faut revenir à l'esprit de (la conférence Climat de 2011 à) Durban, qui a promis une véritable approche multilatérale avec des contributions ambitieuses de tous».