C'était un lundi matin comme les autres pour Trudy Wohlleben, météorologue et prévisionniste des glaces à Environnement Canada.

«Chaque matin, on regarde des images prises par plusieurs satellites, dit-elle en entrevue avec La Presse. Le glacier Petermann est un endroit que je vérifie souvent parce qu'on sait qu'il peut relâcher de gros icebergs.»

Elle parle d'expérience: le 4 août 2010, c'est elle qui, la première, a annoncé qu'une immense île de glace s'était détachée du glacier situé sur la côte nord-ouest du Groenland, en face de l'île canadienne d'Ellesmere.

La nouvelle a fait le tour du monde: une île flottante de 285 km2 partait à la dérive.

Et lundi dernier: rebelote, cette fois pour une superficie de 130 km2. C'est encore Trudy Wohlleben qui l'a vue en premier. Son secret?

«Je suis la seule qui ne prend pas de vacances en juillet et en août! dit-elle. Je sais qu'on est occupés et j'attends septembre. J'aime l'automne.»

Le glacier Petermann est une grande rivière de glace qui descend de la calotte glaciaire du Groenland, dans un fjord. Une langue de glace d'une vingtaine de kilomètres de largeur se forme. Le glacier est réputé pour relâcher des îles flottantes, contrairement à d'autres glaciers qui relâchent des icebergs «normaux», dit Mme Wohlleben.

En 2001, le glacier avait perdu un morceau de 80 km2 environ. En 2008, c'était 30 km2. Rien comme ce qu'on a observé cette année et il y a deux ans.

On sait que l'Arctique se réchauffe plus vite que le reste de la planète, tant pour l'air que pour l'eau de l'océan, principal facteur de fonte pour la glace. Est-ce que le phénomène s'accélère?

«Il y a des scientifiques qui essaient de déterminer si ça fait accélérer le glacier, dit Mme Wohlleben. Comme météorologue, ce n'est pas notre rôle de se prononcer, mais le morceau de 2010 est peut-être dû au phénomène, à cause de sa grandeur. Je sais que les scientifiques continuent à prendre des mesures et que les glaciologues de Pêches et Océans Canada vont y aller en août.»

Pendant ce temps, Mme Wohlleben va continuer de suivre la trajectoire de ces monstres de glace, qui demeurent des menaces à la navigation.

«Le morceau de 2010 s'est fracturé en trois gros morceaux, dit-elle. Le plus gros s'est rendu à Terre-Neuve en août 2011. Un autre morceau est échoué sur la côte de la terre de Baffin. Le plus petit s'est engagé dans le passage du Nord-Ouest, mais il est en train de revenir vers l'est.»

«Les gros morceaux sont faciles à suivre, mais ils relâchent de plus petits icebergs, donc on les surveille, dit-elle. Ils deviennent des sources mobiles d'icebergs.»