Il a fallu une prolongation sans précédent de deux jours pour convenir d'un texte final à la Conférence des Nations unies sur le climat à Durban, en Afrique du Sud. Un texte qui est le résultat d'un compromis dont plusieurs sortent gagnants, souvent au détriment du climat.

Perdant

Le protocole de Kyoto

Il sera maintenu en vie, certains diront artificiellement, jusqu'en 2017 ou 2020 par une poignée de pays, pour l'essentiel l'Europe et l'Australie. Mais il n'entraînera aucun nouvel engagement et n'aura à peu près aucun impact concret sur le climat futur. Le protocole signé en 1997 ne servira pas de modèle au prochain cadre international, qui doit s'appliquer à partir de 2020.

Gagnants

Le Canada, la Russie et le Japon

Les trois ne voulaient pas se soumettre à une prolongation du protocole de Kyoto, et c'est ce qui se produira. À partir du 1er janvier 2013, le Canada ne sera plus soumis à aucun objectif contraignant de contrôle ou de réduction de ses émissions de gaz à effet de serre.

Perdant

Le septième principe du sommet de la Terre de 1992

Dans le protocole de Kyoto, seuls les pays industrialisés avaient des objectifs de réduction de gaz à effet de serre, pour tenir compte du fait qu'ils étaient responsables de la plus grande part du réchauffement global. C'était une application du principe des «responsabilités communes, mais différenciées» à l'égard du climat, affirmé lors du sommet de la Terre à Rio, en 1992. À Copenhague en 2009, la Chine tenait encore mordicus à cette interprétation du principe. Ce n'est plus le cas.

Gagnants

Les financiers du carbone

C'est surtout pour eux que le protocole de Kyoto sera maintenu. Kyoto a permis la création de la Bourse européenne du carbone, qui couvre 10 000 installations industrielles. Kyoto a aussi créé les «mécanismes de développement propre», par lesquels les industries des pays riches peuvent recevoir des crédits de polluer en finançant des projets dans les pays en voie de développement. Cela sous-tend la nouvelle alliance qu'on a pu observer à Durban entre l'Union européenne et les petits pays en voie de développement.

Perdante

La valeur de la parole du Canada

Voici ce que la négociatrice en chef de l'Inde, Jayanthi Natarajan, a dit de son «collègue du Canada», dans la dernière nuit de négociations, selon le Times of India. «Je suis troublée de voir qu'un protocole légalement contraignant [Kyoto] [...] négocié il y a à peine 14 ans se fait jeter aux ordures d'une manière aussi cavalière. Des pays qui l'ont signé et ratifié s'en éloignent sans même lui dire au revoir poliment. Et en plus, ils accusent les autres.»

Gagnante

L'industrie du charbon

Les négociateurs ont accepté d'inclure la capture et séquestration de carbone parmi les «mécanismes de développement propre». Cette technologie expérimentale connue sous le sigle CCS (carbon capture and sequestration) consiste à extraire le gaz carbonique dans les cheminées de centrales thermiques et de l'injecter sous terre. À l'avenir, les industriels mettant cette technique en application dans les pays en voie de développement pourront obtenir et revendre des crédits de carbone en vertu du protocole de Kyoto.

Perdante

La science du climat

Le sommet de Durban a beau contenir des avancées, il consacre le fait que les scientifiques n'ont pas réussi à convaincre les pays de la nécessité de limiter le réchauffement global à 2 oC. Sans réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) d'ici à 2020, il est presque garanti que le réchauffement dépassera ce seuil jugé dangereux par les scientifiques pour l'avenir de nos sociétés.

Gagnante

L'ambiguïté

Le sommet de Durban s'est conclu vers 3h du matin, dimanche, après un face-à-face entre deux femmes: Connie Hedegaard, commissaire européenne à l'action pour le climat, et la ministre de l'Environnement de l'Inde, Jayanthi Natarajan. Qui a cédé en premier? L'Europe, qui a accepté de reporter de huit ans toute action globale contraignante sur le climat? L'Inde, qui a accepté de se soumettre à un éventuel «résultat convenu ayant force de loi» (agreed outcome with legal force)? Qu'est-ce que cela veut dire exactement? Un «résultat» est-il nécessairement une cible de réduction des émissions de gaz à effet de serre? Il y a là une «ambiguïté constructive», selon le mot d'un diplomate européen.