L'ex-vice-président des États-Unis et Prix Nobel de la paix Al Gore prépare une réplique à la campagne de dénigrement de la science du climat qui a cours dans le monde anglo-saxon avec l'événement 24 heures de réalité, qui se déroulera demain et jeudi.

Karel Mayrand, directeur pour le Québec de la Fondation David Suzuki, sera l'un des 23 conférenciers (et l'unique francophone) parmi ceux recrutés partout dans le monde par M. Gore.

Leur mission: «Exposer la réalité de la crise climatique et l'urgence d'agir sur cet enjeu.» Ils vont répertorier les événements climatiques extrêmes dans toutes les régions du monde depuis deux ans, qui pourraient être des indices des changements climatiques.

C'est une sorte de réplique aux lobbys qui protègent les intérêts de l'industrie des énergies fossiles, aux États-Unis comme au Canada, en attaquant la science, explique M. Mayrand. «Al Gore dit: ils ont peut-être beaucoup d'argent, mais la réalité est de notre côté», affirme-t-il.

La recette de M. Gore avait fait ses preuves dans le documentaire An Inconvenient Truth, lauréat d'un Oscar en 2007. Là aussi, des événements météo sont appelés comme témoins des changements climatiques, une approche qui a été critiquée comme trop alarmiste.

Selon M. Mayrand, la science est plus solide que jamais et les observations confirment justement les hypothèses autrefois jugées les plus alarmistes.

«On ne peut pas attribuer un événement précis aux changements climatiques, dit-il. C'est la différence entre le climat et la météo. Mais depuis deux ans, l'intensification des événements extrêmes commence à nous donner un portrait de ces changements.»

M. Mayrand travaille à la Fondation David Suzuki depuis 2008, un an avant le Sommet de Copenhague qui s'est avéré un fiasco total sur le plan de la lutte contre les changements climatiques, sur fond de «Climategate», une controverse attisée par les négationnistes du climat.

La controverse a commencé à l'automne 2009 après qu'un pirate informatique eut pillé des courriels d'un centre de recherche britannique. Des citations de ces courriels, prises hors contexte, ont été utilisées par des négationnistes de la science climatique pour affirmer que cette science était en fait une vaste conspiration.

L'affaire a fait l'objet d'enquêtes de six comités différents. Aucun n'a conclu à une fraude scientifique, bien qu'un des comités ait dit souhaiter plus de transparence de la part de l'institut de recherche.

Mais le mal était déjà fait: l'importante conférence de Copenhague, en décembre 2009, sur laquelle les environnementalistes avaient tout misé, a été un échec, avec le Climategate comme toile de fond.

Deux ans plus tard, M. Mayrand ne se fait plus d'illusions sur le processus onusien de lutte contre les changements climatiques, lancé au Sommet de la Terre à Rio en 1992. «C'est un peu comme le référendum de 1995, dit le diplômé en science politique. Si on fait la plus grande poussée possible et qu'on perd, on ne peut pas rêver de faire mieux l'année d'après.»

Il affirme que dans la présentation qu'Al Gore a préparée pour l'occasion, il ressort que l'Europe sera l'endroit dans le monde le plus touché par la sécheresse.

Autre indice notable: 50 États américains ont battu un record de chaleur cette année. «Et ce sont les températures nocturnes qui ont le plus augmenté, dit-il. Ça correspond à ce que nous dit la science du climat: la nuit, le gaz carbonique relâche la température accumulée pendant le jour.»

Mercredi à minuit, M. Mayrand se penchera sur les enjeux climatiques dans les pays francophones. Il va parler de l'Afrique et de la Polynésie, bien sûr, mais aussi de Saint-Jean-sur-Richelieu. «Ma présentation est faite par l'équipe de Gore à Washington, mais j'y ai fait faire des changements, comme l'ajout d'une diapo sur les inondations en Montérégie.»

Il aurait aussi voulu parler de Rimouski, sa ville natale. «Les gens dans le Bas-du-Fleuve les vivent, les changements climatiques, dit-il. Les dommages des grandes marées d'automne sont plus grands à cause de trois facteurs qu'on peut lier aux changements climatiques: la hausse du niveau de la mer, la force des tempêtes et l'absence de glace.»