Les émissions de gaz à effet de serre (GES) au Québec retombent sous le niveau de 1990. En 2008, dernière année pour laquelle les chiffres sont disponibles, elles avaient diminué de 1,2% sous ce seuil. C'est ce qu'ont fièrement annoncé, hier matin à Cancún, le premier ministre Jean Charest et le ministre du Développement durable, Pierre Arcand.

«Ce n'est pas une grande surprise, mais c'est tout de même une bonne nouvelle. On ne peut pas le nier», dit Steven Guilbeault, cofondateur d'Équiterre, lui aussi présent à Cancún pour la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques.

Tous les secteurs n'ont pas contribué également à cette baisse (voir tableau). La baisse s'explique surtout par les industries. Il y a des causes conjoncturelles, comme le ralentissement économique, et des facteurs structurels, comme l'efficacité énergétique. Un troisième élément peut expliquer cette diminution: le sommeil d'un grand émetteur, la centrale de Bécancour. Un sommeil qui compte pour 40% des réductions totales de 2007 à 2008.

Le gouvernement Charest a construit cette centrale après avoir abandonné l'impopulaire centrale du Suroît. Elle devait servir à répondre aux besoins énergétiques du Québec. Mais cette énergie n'a pas été nécessaire en 2008. Québec a donc payé une pénalité de 150 millions de dollars parce qu'il n'y a eu aucune consommation, tel que prévu dans l'entente avec la société TransCanada Énergie. «On prévoit que le Québec sera en surplus énergétique jusqu'en 2020. On n'en aura pas besoin d'ici là. Alors on devra continuer à payer la pénalité», indique Patrick Bonin, de l'Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA), lui aussi observateur à Cancún.

Les environnementalistes craignent les conséquences du démantèlement annoncé de l'Agence de l'efficacité énergétique. Le Parti québécois aussi. «On incitait financièrement les entreprises à améliorer leur efficacité énergétique. Cette aide est nécessaire. Sinon, elles vont donner la priorité à d'autres projets plus rentables à court terme», avertit Martine Ouellet, critique de l'opposition officielle en matière d'environnement.

Les transports, le «grand défi»

«On peut développer agressivement l'économie tout en diminuant les GES», assure le ministre Arcand. Depuis 1990, le PIB du Québec a augmenté de 46%. La population a augmenté de 10%. Malgré tout, le volume d'émissions a diminué de 1,2%.

C'est parce que, durant la même période, le rapport d'émissions par habitant a diminué de 10,8%. Cela le place au deuxième rang des taux les plus faibles du pays.

Les automobilistes noircissent toutefois le bilan québécois. Depuis 1990, les émissions liées aux transports ont augmenté de presque 30%. Elles ont même dépassé celles des industries. La solution est évidente, selon M. Guilbeault: investir davantage dans les transports en commun. «Il y a une corrélation entre les investissements en transports en commun et les émissions totales. Et à l'inverse, plus on investit dans les routes, plus les automobilistes les utiliseront, et plus on pollue. Ça semble facile à comprendre. Mais le ministère des Transports, lui, ne comprend pas encore ça.»

D'ici 2012, Québec veut réduire ses émissions de 6% par rapport à 1990. «Nous sommes très confiants d'atteindre cet objectif», assure M. Arcand.

Les chiffres de 2008 permettent-ils cet optimisme? Il faut les interpréter prudemment, juge M. Guilbeault.

En 2008, le ralentissement économique a réduit les émissions. Ce sera différent pour les années suivantes. Mais en contrepartie, on ressentira davantage l'impact de la récente redevance sur les hydrocarbures, qui devrait faire diminuer les émissions.

Mais même si la cible de 2012 est atteinte, des efforts encore plus considérables restent à venir. D'ici 2020, Québec veut réduire ses émissions de 20% par rapport à 1990.

Le gouvernement souhaite déposer en juin prochain son Plan d'action 2013-2020 sur les changements climatiques. M. Arcand reconnaît que les transports constitueront le principal «défi». «Dans les années à venir, nous allons investir moins dans les routes. On en a déjà fait beaucoup», annonce-t-il.

M. Charest terminera aujourd'hui son mandat à titre de coprésident du sommet des Leaders d'États fédérés, une rencontre en marge de la conférence de Cancún, avant de retourner à Québec.