Effarés par la quantité de gobelets jetables que leurs établissements généraient, des propriétaires de cafés du quartier Villeray, à Montréal, ont lancé l'été dernier un système de gobelets réutilisables consignés de plus en plus populaire. La campagne de financement qu'ils viennent de lancer pour répondre à la demande remportera-t-elle le même succès ?

Avec « La tasse », il n'y a plus d'excuse pour boire son café dans un récipient jetable : si un client n'a pas son récipient réutilisable, les cafés participant au système lui en prêtent un moyennant un dépôt de 5 $.

Le gobelet peut ensuite être rapporté dans n'importe quel établissement participant, qui l'échangera contre un propre ou qui remboursera au client son dépôt initial.

Le système représente non seulement une solution pour les utilisateurs de contenants jetables, mais aussi pour les adeptes de tasses réutilisables... qui ne les ont pas en leur possession quand l'envie d'un café leur prend.

« C'est comme le sac d'épicerie [réutilisable] : si tu ne l'as pas, tu vas utiliser un sac jetable. » - Marie-Ève Koué, copropriétaire des cafés La Graine brûlée et Oui Mais Non, où l'idée pour contrer ce problème est née

La restauration rapide ou à emporter est responsable à elle seule de près des deux tiers des matières résiduelles récoltées sur le domaine public montréalais, a révélé une étude réalisée par la coopérative de solidarité Les Valoristes, rendue publique l'automne dernier.

Dans le lot, les contenants de boissons dominent.

Voir les gobelets jetables de son propre café emplir les poubelles publiques, « ça dégoûte un peu », reconnaît Marie-Ève Koué.

Engouement contagieux

Lancée à la fin du mois d'août dans 12 cafés montréalais, dont certains ont également commencé à facturer les gobelets jetables, La tasse a suscité un vif engouement.

« À La Graine brûlée, nos clients habituels [des bureaux environnants] ont tous leur tasse, s'enthousiasme Marie-Ève Koué. Il y a des tasses bleues partout, tu les vois dans la rue. »

La tasse a aussi attiré l'attention d'autres cafés ou organismes, comme des coopératives universitaires, qui ont été près d'une centaine à manifester leur intérêt.

Il y avait donc un « momentum » à saisir, estime JP Loignon, lui aussi copropriétaire des cafés La Graine brûlée et Oui Mais Non.

Or, « ça prend un compte en banque et une organisation » pour gérer une telle expansion, explique-t-il.

C'est pourquoi l'organisation à but non lucratif (OBNL) La Vague a été créée : c'est vers elle que sont dirigés les fonds récoltés par la campagne de financement.

« La campagne est 100 % consacrée à l'agrandissement du réseau, à financer l'achat de tasses », précise Aurore Courtieux-Boinot, une consultante en environnement qui accompagne le projet.

L'objectif, dans un premier temps, est d'ajouter au moins 10 000 contenants dans le circuit, mais ultimement, elle estime que « ça va prendre 150 commerçants [et] 50 000 tasses en circulation » pour que le réseau puisse répondre à la demande.

Il y a actuellement 2500 contenants en circulation.

« Pas compliqué à gérer »

Le système n'est « pas compliqué à gérer » et se fait à « coût nul », assure JP Loignon, précisant que les gobelets vont au lave-vaisselle industriel.

« Ce n'est pas plus d'ouvrage que d'étamper tes gobelets jetables ! »

Les instigateurs sont convaincus que leur idée peut fonctionner partout, y compris dans les plus petits milieux où les cafés sont moins nombreux.

« Si ta clientèle revient, tu es un réseau à toi tout seul ! » - Aurore Courtieux-Boinot

Ils caressent aussi le rêve de voir les géants du café comme Starbucks et Tim Hortons se joindre à La tasse.

Pour l'instant, leur invitation a été déclinée.

À la recherche d'un fabricant québécois

Les contenants de La tasse sont faits de polypropylène de grade alimentaire, un plastique qui est entièrement recyclable au Québec. Ils sont également exempts de bisphénols.

Après 50 utilisations, leur impact environnemental est moindre que celui des gobelets jetables, a démontré une analyse du cycle de vie, ce qui en fait le matériau le plus approprié sur les plans du coût, de l'écologie et de la fonctionnalité.

Et ce, malgré le fait que les contenants sont fabriqués... en Chine.

Ce n'est pourtant pas faute d'avoir tenté de trouver un fabricant québécois.

« On veut trouver quelqu'un qui soit game de nous faire des tasses en dessous de 500 000 unités », explique Aurore Courtieux-Boinot, qui regrette que ce soit le seuil « minimum pour pouvoir commencer à discuter ».

« C'est un appel qu'on lance publiquement ! »

Photo Alain Roberge, La Presse

Les initiateurs du projet : Marie-Ève Koué, Aurore Courtieux-Boinot et JP Loignon