Bien qu'une infime partie des piles usagées soient recyclées, les écocentres de Montréal ont décidé de fermer leurs portes aux commerçants qui avaient pris l'habitude d'y rapporter celles de leurs clients, a appris La Presse.

Puisqu'il n'existe que très peu de lieux où déposer ces déchets dangereux, les six écocentres de la Ville acceptaient en effet, jusqu'à tout récemment, de reprendre les piles domestiques des petits commerces, même si ce n'était pas leur mandat.

«Comme le phénomène prend de l'ampleur, nous avons cessé de reprendre les piles des commerces, institutions et industries, car ce service est uniquement mis à la disposition des citoyens», a précisé Valérie De Gagné, porte-parole de la Ville.

C'est donc à regret que plusieurs propriétaires de PME (petites et moyennes entreprises), telles les quincailleries et les pharmacies, doivent maintenant suggérer à leur clientèle de se débarrasser eux-mêmes de leurs piles.

«Les clients nous disent qu'ils vont aller magasiner ailleurs parce qu'on ne reprend pas les piles qu'on leur vend, déplore Manon, directrice d'une pharmacie Jean Coutu de l'avenue du Mont-Royal. Mais ce n'est pas de la mauvaise volonté de notre part.»

«J'ai actuellement pour 1000$ de piles usagées dans mon magasin, tout ça parce que l'écocentre ne veut plus nous voir», renchérit Yan Lamoureux, directeur de la quincaillerie Rona DeLorimier.

Les commerçants joints hier se sont dits inquiets de cette nouvelle orientation de la Ville, prédisant que cela allait inciter bien des gens à jeter tout simplement leurs piles domestiques à la poubelle, ce qui aurait pour effet de réduire encore plus le nombre de piles domestiques récupérées.

Or, selon Recyc-Québec, le taux de récupération des piles non rechargeables est d'à peine 5,6% dans la province, ce qui signifie que plus de 94% d'entre elles prennent déjà le chemin du dépotoir, et ce, malgré leur dangerosité.

En effet, les piles sont considérées comme des résidus domestiques dangereux, en raison de leur contenu en métaux lourds et de leur potentiel de réactivité et de corrosivité. En 2004, au Canada (il n'existe pas de données québécoises similaires), on a ainsi enfoui plus de 765 tonnes de plomb, 1670 tonnes de zinc et 0,4 tonne de mercure.

La situation est sensiblement la même pour les piles rechargeables, recyclées à 6%. Toutefois, à Montréal, il est facile de s'en débarrasser de manière responsable, puisque les casernes de pompiers participent toutes au programme de la Société de recyclage des piles rechargeables.

Il s'est vendu au Québec, en 2006, 114 millions de piles non rechargeables et 6 millions de piles rechargeables. Cela signifie qu'en deux ans, les ventes de ces produits ont grimpé de manière importante, respectivement de 12,5% et de 22%.

En raison de la popularité des téléphones cellulaires et des ordinateurs portables, Global Strategic Analysts évalue que la demande canadienne pour les piles augmentera d'environ 8% annuellement.

Projet de règlement

Notons que le gouvernement du Québec compte déposer bientôt un projet de règlement visant à obliger les fabricants de piles, notamment, à reprendre les produits qu'ils vendent, une fois leur vie utile terminée, afin qu'ils soient recyclés.

L'objectif, auquel souscrit la Ville de Montréal, est d'instaurer la «responsabilité élargie des producteurs», afin de contraindre ces derniers à «élaborer, financer, mettre en place et opérer» un programme de récupération de leurs produits. «Nous appuyons la démarche du gouvernement, a indiqué Valérie De Gagné, de la Ville. Nous attendons cela pour donner un coup de main aux petits commerçants.»

N'y a-t-il pas des fournisseurs de piles qui acceptent de reprendre leurs produits? «Oui, répond Yan Lamoureux, mais ils nous obligent en contrepartie à placer 12 pieds de produits dans notre commerce, ce qui est impossible lorsque celui-ci est de petite taille.»

«En attendant, nous sommes pris avec les piles», se désole Gilles Sainte-Marie, directeur d'une autre pharmacie Jean Coutu du Plateau Mont-Royal.