Les délégués de quelque 200 pays réunis à la COP24 de Katowice ont adopté samedi les règles d'application de l'accord de Paris contre le réchauffement climatique, le coup de marteau du président étant accueilli par une ovation debout.

Deux éléments sur lesquels subsistaient des désaccords profonds ont été mis sur la glace pour une période d'un an.

La nouvelle entente conclue à la conférence sur les changements climatiques des Nations unies (COP24), en Pologne, engagera les signataires à appliquer les principes énoncés dans l'accord de Paris sur le climat de 2015.

« Grâce à cette entente, nous avons fait ensemble mille petits pas en avant », a déclaré le président de la COP24, le Polonais Michal Kurtyka. Il a ajouté que même si chaque pays trouvera des éléments avec lesquels il ne serait pas d'accord, des efforts devaient être déployés pour équilibrer les intérêts de toutes les parties.

« On doit céder sur certains points si on veut tous avancer, a-t-il dit. Nous devons tous faire preuve de courage pour nous tourner vers l'avenir et faire un pas de plus pour le bien de l'humanité. »

Mais, à la frustration de nombreux militants écologistes et de certaines délégations réclamant des objectifs plus ambitieux, les négociateurs ont reporté à l'année prochaine les décisions concernant deux questions essentielles, dans le but de parvenir à un accord.

Ainsi, plusieurs pays exportateurs de pétrole comme les États-Unis, la Russie, l'Arabie saoudite et le Koweït ont tout fait pour bloquer toute référence aux conclusions d'une récente étude du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) affirmant qu'il était possible de limiter le réchauffement planétaire à 1,5 °C d'ici la fin du siècle par rapport à l'époque préindustrielle à condition de remodeler l'économie mondiale et d'abandonner les combustibles fossiles.

Le texte définitif omet une référence antérieure à des réductions spécifiques d'émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030 et se contente de se féliciter de « l'achèvement rapide » du rapport du GIEC. Ses conclusions n'en font pas partie.

La création d'un marché fonctionnel du carbone représentait un des points de blocages. Selon des économistes, un tel système commercial international pourrait constituer un moyen efficace de réduire les émissions de gaz à effet de serre et de mobiliser des sommes importantes pour l'adoption de mesures visant à lutter contre le réchauffement de la planète.

Mais le Brésil voulait conserver les crédits de carbone qu'il avait déjà accumulées dans le cadre d'un ancien système qui, selon les pays développés, n'était ni crédible ni transparent.

Gains

Les délégations se sont entendues sur la manière dont les pays devraient déclarer leurs émissions de gaz à effet de serre et les efforts qu'ils déploient pour les réduire.

Les pays pauvres ont également obtenu l'assurance d'obtenir un soutien financier pour les aider à réduire leurs émissions, à s'adapter aux changements inévitables comme l'élévation du niveau de la mer et à payer les dommages déjà causés.

Finalement, une décision sur les mécanismes d'un système d'échange de droits d'émission a été reportée à la réunion de l'année prochaine. Les pays ont également décidé d'examiner la question d'augmenter les ambitions à l'occasion d'un sommet de l'ONU qui se déroulera à New York en septembre prochain.

Par voie de communiqué, la ministre canadienne de l'Environnement, Catherine McKenna, a déclaré que le Canada « a joué un rôle de premier plan en jetant les bases d'un marché du carbone à l'échelle mondiale ». Ces efforts ont contribué « à mobiliser les milliards de dollars d'investissement nécessaires pour lutter contre les changements climatiques », a-t-elle indiqué.

Se disant satisfaite des résultats de la rencontre, la ministre McKenna a soutenu qu'il reste « beaucoup à faire au cours de l'année qui vient afin de parachever les lignes directrices concernant le commerce international ».

Si certains délégués ont remis en question la formule choisie pour la COP24, qui a pris des proportions monstrueuses en attirant des dizaines de milliers de participants, la directrice générale de Greenpeace International, Jennifer Morgan, a insisté sur l'importance de réunir tous les pays de la planète pour discuter de cet enjeu.

« Nous avons besoin d'un processus multilatéral, particulièrement pour les pays les plus pauvres ou les plus petits qui ne vont pas au G20, a-t-elle soutenu, faisant référence au groupe des 20 économies majeures et émergentes du monde qui se sont récemment rassemblées en Argentine. Mais le manque d'ambition dans certains pays riches, comme ceux de l'Union européenne, est inquiétant, surtout alors que nous avons le rapport sur le 1,5 °C sous les yeux. »

Les décisions de la COP24



Quelles ambitions ? Quelle place donner à la science ? Quelles règles pour l'accord de Paris ? Après deux semaines de négociations, voici les principales décisions prises par les quelque 200 pays réunis à la COP24 sur le climat.

Ambitions



Après l'alarme sonnée en octobre par les scientifiques du Giec, de nombreux défenseurs du climat réclamaient une réponse forte de la COP24 avec un engagement clair de tous les pays à réviser à la hausse d'ici 2020 leurs promesses de réductions de gaz à effet de serre.

Mais les pays n'ont pu s'accorder pour « accueillir favorablement » le contenu de ce rapport dans le texte final, devant l'opposition d'une poignée d'entre eux, en particulier les États-Unis et l'Arabie saoudite.

Le rapport du Giec, dernière synthèse de la science climatique mondiale, montre les grandes différences d'impacts entre un monde à +1,5 °C et à +2 °C, et explique qu'il faudrait réduire les émissions de gaz à effet de serre de près de 50 % d'ici 2030 pour rester sous +1,5 °C, objectif idéal de l'accord de Paris.

À Katowice, la communauté internationale s'est contentée d'« accueillir favorablement sa réalisation à point nommé ».  La COP « reconnaît le rôle du Giec, chargé de délivrer les données scientifiques permettant d'informer » les pays, et « invite les parties à faire usage des informations contenues dans le rapport ».

Ce point de discorde, apparu au milieu de la COP24, n'augurait pas de grandes déclarations en faveur de l'action. Dans un contexte géopolitique peu propice, la COP24 se limite ainsi à « répéter la demande de mise à jour » des engagements d'ici 2020, déjà formulée dans l'accord de Paris, évoquant toutefois des « efforts pour rehausser les ambitions d'ici 2020 ».

Mais ces négociations ont surtout permis l'adoption du manuel d'utilisation du pacte de Paris, plus de cent pages détaillant les règles permettant de mettre en oeuvre les principes de l'accord.

Suivi des engagements

Plus de 160 pays ont déposé depuis 2015 des engagements de réduction de gaz à effets de serre. Ceux qui ne l'ont pas fait doivent le faire d'ici 2020. Ensuite, ces engagements nationaux devront être mis à jour tous les cinq ans.

Les règles d'application précisent comment compter les émissions, et ce à partir de 2024, et quoi compter, en suivant les directives du Giec. Elles prévoient que les pays soumettent tous les deux ans un rapport expliquant leurs actions, soumis à l'évaluation d'experts mais sans pouvoir ouvrir la voie à des sanctions.

Une flexibilité est accordée aux pays les moins avancés et aux États insulaires, en fonction de leurs capacités. Les autres pays en développement doivent fournir un argumentaire et un cadre temporel.

Tous les cinq ans, à partir de 2023, les pays feront le « bilan mondial » de leurs efforts collectifs.

Financements

L'accord de Paris prévoit que les pays développés aident financièrement les pays en développement à réduire leurs émissions et à s'adapter aux impacts des dérèglements. Les règles d'application insistent sur la nécessité que ce financement soit « prévisible », et invitent les pays riches à un rapport « qualitatif et quantitatif » sur ces financements tous les deux ans à partir de 2020.

Les pays les plus pauvres attendaient aussi à Katowice des gestes forts après la promesse faite dès 2009 par les pays du Nord de monter leur aide climatique à 100 milliards de dollars annuels d'ici 2020. Parmi les quelques annonces, 1,5 milliard USD de l'Allemagne et 500 millions de la Norvège pour le Fonds vert.

Pertes et préjudices

L'accord de Paris reconnaît la « nécessité d'éviter les pertes et préjudices » liés aux impacts déjà à l'oeuvre : montée de la mer, sécheresses etc. Le sujet est épineux car certains, et en premier les États-Unis, craignent que cela n'ouvre la voie à des procédures judiciaires d'indemnisation.

Ce dossier a été l'objet d'intenses tractations à la COP24, et il figure finalement dans le « mode d'emploi », sans qu'il soit cependant question de financements comme le souhaiteraient les pays vulnérables.

Transition juste

En pleine crise des « gilets jaunes » en France, de nombreux participants à la COP ont appelé à une « transition juste » vers une économie bas-carbone, pour l'ensemble de la société.

La décision finale prend simplement « note de la Déclaration de Silésie » portée par les Polonais, « qui reconnaît la nécessité de prendre en compte les impératifs d'une transition juste pour la population active ». Une déclaration vue par de nombreux observateurs comme un moyen pour Varsovie de freiner sa sortie du charbon.

- AFP, AP

L'ONU appelle à « l'ambition, l'ambition, l'ambition »

« Ambition, ambition, ambition, ambition, ambition ». Le secrétaire général de l'ONU a appelé samedi la communauté internationale à renforcer son action contre le réchauffement planétaire, à ce stade insuffisante pour contrer les dérèglements du climat.

La 24e conférence de l'ONU sur les changements climatiques a adopté samedi à Katowice les règles d'application de l'accord climat de Paris, mais n'a pas donné lieu à un nouvel engagement à faire plus et plus rapidement.

« Katowice a montré une fois de plus la résilience de l'accord de Paris, notre robuste feuille de route de l'action climatique », a dit Antonio Guterres, dans un message lu par la responsable climat de l'ONU, Patricia Espinosa.

« L'approbation du "programme de travail de l'accord de Paris" (le mode d'emploi, NDLR) est la base d'un processus de transformation qui demandera une ambition renforcée de la part de la communauté internationale. La science a clairement montré que nous avons besoin d'ambition accrue pour battre le changement climatique », a-t-il ajouté.

Et « désormais mes cinq priorités seront ambition, ambition, ambition, ambition et ambition », a-t-il répété dans ce message : « ambition en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre, d'adaptation (aux impacts, nldr), de financements, de coopération technique et d'innovation technologique ».

Pour l'ONU, « l'ambition doit guider tous les États membres », appelés par l'accord de Paris à réviser leurs engagements nationaux d'ici 2020 : « c'est notre devoir de faire plus et je compte sur vous », a encore dit Antonio Guterres, qui organisera en septembre à New York un grand sommet climat consacré au renforcement des engagements nationaux.

Le diplomate portugais est revenu trois fois à la COP24, pour contribuer à faire avancer des tractations à la peine.