Ses efforts de réduction gaz à effet de serre (GES) ayant produit des résultats insuffisants, le Québec doit envisager des mesures plus sévères, dont plusieurs ciblent l'automobile, indique un rapport que rendra public la ministre de l'Environnement, Isabelle Melançon, aujourd'hui. On y propose de taxer les grosses cylindrées et de construire moins d'infrastructures de transport en voiture.

Appel à l'action

La ministre rendra public ce matin le rapport mi-parcours du Plan d'action sur les changements climatiques (PACC) pour la période 2013-2020. Québec y confirmera que l'ambitieuse stratégie présentée en 2012 n'a pas permis d'infléchir les émissions québécoises de manière substantielle. Derrière ce constat, le document se lit par moments comme un appel à l'action pour l'atteinte des objectifs climatiques. On y propose une batterie de mesures ciblant surtout les transports, mais aussi l'industrie, les bâtiments, l'agriculture et la gestion des déchets.

Le transport, la clé

Dans sa mouture initiale, le PACC prévoyait plusieurs programmes financés avec le Fonds vert pour réduire les émissions des voitures et des camions. Ces mesures ont permis de maintenir et de bonifier les transports en commun, mais le parc automobile a continué de croître. Résultat : les émissions du secteur des transports ont crû de 20 % depuis 1990. « Au niveau des secteurs autres que le transport, nous avons pratiquement atteint les objectifs fixés, a résumé une source gouvernementale. C'est très clair pour nous que nous devrons mettre toutes nos énergies sur les transports d'ici 2020. »

Hausser le prix des voitures polluantes

Malgré de généreuses subventions à l'achat, on ne comptait que 23 517 véhicules électriques au Québec en date du 28 février, révèle le document. Pour « propulser cette filière », on recommande un « appui financier considérable dépassant la capacité du Fonds vert ». On évoque un système de redevance-remise (« bonus-malus »), une mesure fiscale qui aurait pour effet de taxer les véhicules polluants et subventionner les véhicules à faibles émissions. Un tel programme a été implanté en France il y a 10 ans. Le rapport propose aussi des campagnes de promotion pour améliorer la perception à l'égard des voitures électriques.

Moins de routes, plus de transports collectifs

À l'heure actuelle, les Québécois sont toujours plus nombreux à emprunter leur voiture en solo. Pour « renverser la tendance », le rapport suggère des solutions « audacieuses », notamment en ce qui concerne l'aménagement du territoire. « Les investissements dans les infrastructures qui favorisent l'expansion du transport individuel devraient être progressivement réduits au profit d'investissements dans le transport collectif », précise le document. L'idée risque de faire controverse dans la région de Québec, où plusieurs militent pour la construction d'un troisième pont vers Lévis.

Pour le « microtransit » en banlieue

Québec devrait se pencher sur de nouvelles solutions de rechange au transport en commun « traditionnel », suggère le ministère de l'Environnement. Le rapport cite en exemple le « microtransit », une forme de covoiturage organisé qui dessert les banlieues. Une étude publiée en 2016 évaluait que, dans la région de Montréal, cette stratégie pourrait inciter 75 000 personnes à troquer leur véhicule individuel pour des navettes partagées. Cela entraînerait une baisse des émissions de GES liées au transport personnel de 3,8 % dans la région.

Inspecter les voitures

Québec a lancé plusieurs mesures pour encourager l'achat de véhicules neufs moins polluants. Mais pratiquement aucune pour réduire les émissions des millions de voitures qui circulent déjà sur les routes. Le PACC prévoyait à l'origine un Programme d'inspection et d'entretien des véhicules légers, qui aurait rendu les inspections obligatoires. Mais cette initiative n'a jamais vu le jour. De tels programmes existent pourtant en Ontario et dans une trentaine d'États américains. « Plusieurs interventions possibles dans ce sous-secteur des transports sont susceptibles de générer des gains importants en matière de qualité de l'air et de santé publique », peut-on lire.

Retard

Québec s'est donné comme objectif de réduire ses émissions de 20 % d'ici 2020 par rapport au niveau de 1990. Tel que le rapportait Le Devoir, il y a deux semaines, le bilan de mi-parcours du PACC montre qu'il n'y a « pas de progression globale significative dans les réductions d'émissions de GES au Québec ». Québec doit réduire ses émissions de 9 mégatonnes pour atteindre sa cible. C'est un écart majeur, les émissions ayant totalisé 82 mégatonnes en 2014. « Ceci laisse entrevoir qu'un effort substantiel de réduction d'émissions de GES est nécessaire d'ici 2020 pour maximiser les réductions d'émissions de GES réalisées au Québec », précise le rapport.

Photo Pascal Ratthé, Archives Le Soleil

Présentée par Québec en 2012, la stratégie 2013-2020 n'a pas permis d'infléchir les émissions québécoises de manière substantielle.