Les experts internationaux réunis à Montréal cette semaine sous l'égide de l'ONU ont presque terminé leurs délibérations. La modification du climat par la technologie, appelée géoingénierie, ainsi que la limitation à 1,5 °C de la hausse de la température d'ici 2100 sont au coeur des discussions. Plus tôt cette semaine, une étude du Conference Board concluait que l'atteinte des objectifs de l'accord de Paris chambarderait l'économie canadienne.

Les discussions du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) de l'ONU visent à publier un sixième rapport complet en 2022, ainsi que des rapports plus pointus, dont un sur les voies permettant de limiter la croissance de la température à 1,5 °C au XXIe siècle. « Limiter l'augmentation à 1,5 °C faisait partie de l'accord de Paris », dit Patrick Bonin, responsable de la campagne climatique chez Greenpeace Canada, qui a au GIEC un statut d'observateur habilité à faire des commentaires. « Ce rapport spécial sera publié l'an prochain. L'une de nos priorités est d'éviter que soient envisagés des tests à grande échelle de technologies de captation du carbone qui ne sont pas naturelles, la géoingénierie. Ça pourrait être très dangereux. » Parmi les avenues envisagées par les partisans de la géoingénierie, citons le pompage des gaz à effet de serre industriels dans des réservoirs souterrains, où ils se transformeraient en roches si des conditions propices sont réunies, ou au fond des océans. Certains proposent aussi de réduire la température de la planète en diffusant de la suie dans la haute atmosphère, un peu comme un volcan.



L'étude du Conference Board

Augmentation de l'inflation, diminution du pouvoir d'achat des ménages, investissements massifs dans des lignes de transmission électriques est-ouest ainsi que construction de nouvelles centrales nucléaires un peu partout dans le pays et de centrales hydroélectriques au Labrador et en Colombie-Britannique. Publiée mercredi, l'étude du Conference Board estime impossible que le Canada atteigne ses objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre conformément aux engagements pris dans l'accord de Paris, soit 60 % de moins d'ici 2050. Mais au prix d'une révolution économique, on pourrait s'en approcher. « Nous avons considéré ce qui se passerait avec une taxe sur le carbone de 200 $ par tonne en 2025 », explique Louis Thériault, vice-président à la stratégie industrielle et aux politiques publiques du Conference Board. « Ça permettrait de faire les investissements de 100 milliards par année nécessaires pour s'approcher des objectifs de l'accord de Paris. Mais ça représente 50 % des investissements non résidentiels actuels. Considérant la pénurie de main-d'oeuvre actuelle, ça signifie des changements très importants dans l'économie canadienne. » Le prix du carbone, qui est actuellement de 18 $ la tonne au Québec, sera fixé en 2018 à un prix plancher canadien de 10 $ la tonne, augmentant à 50 $ la tonne d'ici 2022.



La réaction de Greenpeace


« C'est une analyse économique, dit Patrick Bonin de Greenpeace. C'est sûr que décarboner notre économie demande des changements et des efforts. Mais il y aurait aussi des bénéfices pour la santé et les phénomènes météorologiques. Environnement Canada évalue que le coût social des émissions de gaz à effet de serre est de 50 $ par tonne. On donne des subventions directes de trois milliards par année à l'industrie des carburants fossiles. » Pour ce qui est de la production d'électricité, M. Bonin est favorable à la création de nouvelles lignes de transmission entre provinces, mais estime que le coût des centrales nucléaires et hydroélectriques est plus élevé que celui des énergies éolienne et solaire ainsi que les programmes d'efficacité énergétique.



1,5 °C


L'an dernier, une étude allemande parue dans la revue Nature Geoscience avait calculé que pour limiter la hausse de température mondiale à 1,5 °C, il faudrait complètement cesser les émissions de gaz à effet de serre d'ici cinq ans. Est-ce exact et est-il réaliste de penser que les voitures à essence seront mises au rancart d'ici 2022 ? « Ce n'est pas faux, même s'il y a des marges d'erreur, dit M. Bonin. On sait actuellement qu'on va probablement dépasser 1,5 °C. Ça serait extrêmement difficile d'y arriver. Mais il faut viser la cible, c'est une question de survie pour des millions de personnes, d'accès à l'eau potable pour des centaines de millions de personnes. Les pays en voie de développement ont exigé que ce soit inscrit à l'accord de Paris. On peut aussi penser augmenter la séquestration du carbone de façon naturelle, avec la reforestation. »



Manif à la Caisse de dépôt


En marge du sommet du GIEC, 350 personnes ont manifesté hier midi devant la Caisse de dépôt, au centre-ville, pour réclamer la vente des actifs liés aux énergies fossiles. « En 2016, la Caisse a augmenté les actifs liés directement ou indirectement à la production ou au transport d'énergies fossiles, dit M. Bonin. Ce n'est pas éthique et il y a un risque que ces actifs perdent de la valeur soudainement. On l'a vu avec le charbon. Les responsables du fonds du régime de rentes public de Norvège ont annoncé qu'ils sortiraient du charbon et des sables bitumineux, ceux de Suède aussi. » La Caisse a des actifs liés aux carburants fossiles à hauteur de 16,7 milliards, soit 9,7 % du total des actifs, contre 7 % en 2015, selon Greenpeace.



EN CHIFFRES



0,85 °C : Augmentation de la température mondiale moyenne de 1880 à 2012

2,8 °C : Augmentation de la température mondiale moyenne en 2100, par rapport à la moyenne 1850-1900, si les engagements de l'accord de Paris sont respectés

3,7 °C : Augmentation de la température mondiale moyenne en 2100, par rapport à la moyenne 1850-1900, si l'accord de Paris n'est pas appliqué, avec peu de progrès technologiques et une très forte croissance démographique

Source : GIEC