Une nouvelle étude montréalaise montre que le Canada a une « dette climatique » qui pourrait atteindre 400 milliards US. Il s'agit du coût associé aux émissions de gaz à effet de serre canadiennes, qui sont beaucoup plus élevées par habitant que la moyenne mondiale.

« Je travaillais à des projections d'émissions futures de gaz à effet de serre (GES) en fonction de la population des différents pays du monde », explique Damon Matthews, climatologue à l'Université Concordia et auteur de l'étude parue samedi dans la revue Nature Climate Change. « Dans un souci d'équité, il faut arriver à un point où chaque personne émet la même quantité de GES. Mais, historiquement, les pays développés ont émis beaucoup plus de GES que les pays pauvres.

M. Matthews a tenu compte des émissions liées aux carburants fossiles depuis 1960 et des émissions liées à d'autres facteurs importants, comme la déforestation et l'agriculture, depuis 1990. Avant ces dates, il n'était pas possible d'avoir des données comparatives fiables.

Résultat : la dette climatique canadienne depuis 1960 est de 17 gigatonnes de GES et de 9 gigatonnes depuis 1990. Pour chiffrer cette dette, M. Matthews a utilisé des études estimant à 40 $ le « coût social » d'une tonne de CO2, principal GES. Il prévient par contre que ce coût était probablement moins élevé pour les émissions du passé. Selon ses calculs, la dette des pays riches équivaut à 10 000 milliards US, dont le Canada doit assumer 4 %.

Affiner les modèles

Pour réduire cette dette, on peut imaginer des transferts aux pays pauvres, ou alors attendre que leur croissance économique annule cette dette, ou enfin ériger des barrières douanières pour les empêcher d'envoyer vers les pays riches des produits fabriqués de manière polluante, dit M. Matthews. Car la dette d'un pays peut augmenter s'il importe des produits dont la fabrication a causé des émissions de GES dans un autre pays, par exemple les usines manufacturières géantes de la Chine.

Tenir compte de telles exportations permettrait à la Chine de se maintenir dans les pays émettant moins de GES que la moyenne mondiale par personne. Depuis 2005, l'empire du Milieu dépasse cette moyenne mondiale, mais pas si on tient compte de ses exportations, selon M. Matthews, qui a collaboré au dernier rapport de l'ONU sur le climat.

Quelle est la prochaine étape ? Affiner ces modèles qui, par exemple, tiennent mal compte de la déforestation agricole et des exportations de soja et de boeuf du Brésil, dit M. Matthews. Tout comme l'Indonésie, le Brésil a beaucoup augmenté ses émissions de GES à cause de l'agriculture et dépasse maintenant la moyenne mondiale. « Il sera aussi intéressant de mieux évaluer la valeur financière de cette dette climatique historique des pays développés pour en tenir compte dans le cadre des négociations internationales sur les cibles d'émissions de chaque pays », dit le chercheur montréalais.