Les bourdons peinent à s'adapter au réchauffement climatique et meurent tout simplement au lieu de migrer vers le nord pour y trouver des températures plus clémentes, selon une étude jeudi qui fait naître de nouvelles inquiétudes concernant ces importants pollinisateurs.

Ces travaux publiés dans le magazine Science sont les premiers à mettre en lumière le rôle du réchauffement climatique dans le déclin des populations d'abeilles et de bourdons au niveau mondial. Jusqu'à présent l'usage de pesticides, les maladies ou les parasites étaient mis en avant pour expliquer ce déclin.

«Imaginez un étau, mettez l'habitat dans lequel vivent les bourdons au milieu de cet étau. Avec le réchauffement climatique, les espèces de bourdons sont écrasées par cet ''étau climatique'' qui compresse les zones géographiques dans lesquelles ils peuvent vivre», explique Jeremy Kerr, professeur de macro-écologie et conservation à l'Université d'Ottawa au Canada.

«Le résultat est un rapide déclin généralisé des pollinisateurs à travers le continent, qui n'est pas dû à l'utilisation des pesticides ou la perte d'habitat», ajoute-t-il.

Les bourdons pollinisent plantes et fleurs sauvages, les arbres à fruits et de nombreuses autres cultures importantes.

Pour cette étude, les scientifiques ont examiné plus de 400 000 observations géoréférencées sur 67 espèces de bourdons en Amérique du Nord et en Europe depuis 1900.

«Le territoire couvert par les bourdons en Europe du Sud et en Amérique du Nord a diminué de près de 300 km. L'ampleur et le rythme de ces pertes sont sans précédent», reprend M. Kerr.

«Nous devons établir de nouvelles stratégies pour aider ces espèces à résister aux effets de l'activité humaine sur le climat, peut-être en les aidant à passer dans des zones plus au nord», insiste encore le professeur Kerr.

Les bourdons «en général ne parviennent pas» à migrer vers le nord. Contrairement aux papillons, les espèces de bourdons ne se relocalisent pas, mais disparaissent dans de vastes régions, pointe encore l'étude.

Pour améliorer la situation, il faudrait réduire les émissions de gaz à effet de serre, et il est également possible d'aider des colonies à s'installer dans des régions plus au nord, un processus connu sous le nom de migration assistée.

L'étude ne s'est pas penchée sur la densité des populations de bourdons et ne fait donc pas le point sur l'état général de l'espèce. Mais étant donné les pertes déjà constatées, les chercheurs s'attendent à voir le problème empirer.

En conséquence, la baisse de pollinisation pourrait rendre certaines plantes, fruits ou légumes plus rares et faire augmenter les prix. «Les pollinisateurs sont essentiels à la sécurité alimentaire et à notre économie, et ces dernières seront affectées par la perte généralisée de pollinisateurs en raison des changements climatiques», reprend M. Kerr.

«Les impacts sont importants et ils sont immédiats. Ce n'est pas juste quelque chose dont il faudra s'inquiéter dans un avenir plus ou moins vague», souligne-t-il.