Difficile d'imaginer que l'Antarctique puisse affecter le climat d'un pays tropical comme le Brésil, mais de fait, il interagit avec toute l'Amérique du Sud et même l'Amazonie.

Le continent gelé provoque la sécheresse en Amazonie tout en subissant les conséquences de la pollution amazonienne.

«Tout ce qui se passe sur les continents, avec les activités industrielles, volcaniques ou l'utilisation du sol, tout arrive en Antarctique», déclare à l'AFP le physicien Heitor Evangelista da Silva, de l'Université de l'État de Rio de Janeiro, qui est rentré en juin de sa 19e expédition en Antarctique.

Environ 80% de ce qui arrive en Antarctique, comme la pollution qui résulte des brûlis, vient de l'Amérique du Sud, 10% de l'Australie et 10% du reste du monde, selon lui.

«On a l'idée erronée que l'Antarctique n'exporte que courants marins et fronts froids; il reçoit aussi beaucoup d'influences. Il existe un système d'échanges entre les sous-tropiques et les zones polaires mondiales», précise-t-il.

Fascination pour l'Antarctique

Pour Leonardo Duarte Batista da Silva, spécialiste en ingénierie agricole et environnementale de l'Université fédérale de Rio, «le grand avantage de faire des recherches en Antarctique est que la région n'a pas encore subi trop d'interventions humaines».

«Cela permet d'étudier comment et pourquoi se produisent les changements», explique à l'AFP cet expert de 42 ans en route vers le continent blanc à bord d'un navire de la Marine brésilienne.

M. Silva a étudié pendant un mois avec d'autres scientifiques les «sols gelés et les impacts qu'ils subissent avec les changements climatiques».

Cette influence qui se sent clairement dans les pluies et les vagues de froid qui arrivent au Brésil, surtout en hiver, peut être l'un des facteurs qui expliquent la fascination que l'Antarctique exerce sur les chercheurs d'un pays tropical comme le Brésil.

D'après les données officielles, lors de la dernière décennie, quelque 250 scientifiques d'universités brésiliennes ont développé des projets en Antarctique dans des domaines aussi différents que les sciences de l'atmosphère, la biologie ou la géologie.

Il y a deux ans, M. Evangelista et le professeur Jefferson Simões, de l'Université fédérale du Rio Grande do Sul (sud du Brésil) ont implanté le premier poste scientifique avancé du Brésil, dénommé «Criosfera 1» en Antarctique, à 3000 km au sud de la station brésilienne Comandante Ferraz, dans l'archipel des Shetland du Sud.

À 500 km du pôle Sud, dans les installations qui fonctionnent à l'énergie solaire et éolienne, travaille une équipe de quatre chercheurs qui se consacrent à des recherches en microbiologie, sur le climat, les gaz à effet de serre et les rayons cosmiques.

Vents et sécheresses

Dans leurs installations sur le continent gelé, M. Evangelista, 50 ans, et le biologiste brésilien Marcio Cataldo, 35 ans, ainsi que d'autres chercheurs du British Antarctic Survey, ont constaté que l'augmentation des vents dans la zone centrale de l'Antarctique peut affecter le climat en Amazonie.

Selon eux, la réduction de la couche d'ozone sur le pôle Sud provoque un refroidissement de la stratosphère dans la zone centrale de l'Antarctique alors qu'autour d'elle, la température reste plus chaude sous l'action des gaz à effet de serre.

Ce contraste entre la chaleur et le froid augmente l'intensité des vents dans la zone connue comme «westerly winds» et change toute la structure des vents dans l'Atlantique Sud, ce qui finit par avoir un impact sur le climat en Amazonie.

Une des conséquences de ce phénomène serait une intensification des sécheresses dans la plus grande forêt tropicale du monde.

D'après M. Evangelista, qui étudie le paléoclimat antarctique, l'interaction entre glace et forêt est très ancienne. L'analyse de sédiments a montré qu'il y a 5000 ans, une sécheresse sévère était liée au climat antarctique, affirme-t-il.

«Étudier la glace de l'Antarctique est, en quelque sorte, étudier le passé de l'Amérique du Sud», ajoute le chercheur, rappelant que des études antérieures avec des isotopes du carbone ont démontré un phénomène climatique similaire dans le lac Titicaca, entre le Pérou et la Bolivie.