Que restera-t-il du protocole de Kyoto après le sommet de Copenhague ? Le nom, la forme, la philosophie générale ou seulement quelques bribes? À deux mois du «rendez-vous de la planète» sur le climat, le sujet déchaîne les passions à Bangkok.

L'un des enjeux centraux du rendez-vous danois est de renouveler -et surtout de renforcer- les engagements contraignants souscrits à Kyoto pour la période 2008-2012. Conclu en décembre 1997, le protocole impose aux 37 pays industrialisés qui l'ont ratifié et à l'UE de réduire leurs émissions de six substances responsables du réchauffement, au premier rang desquels le CO2.

Les pays en développement, Chine et Inde en tête, qui en sont exonérés, tiennent à ce protocole qui offre une «paroi étanche», selon les termes d'un négociateur, entre les pays du nord, qui ont une responsabilité «historique» dans l'accumulation de CO2 dans l'atmosphère, et le reste de la planète.

Mais les États-Unis et plusieurs autres pays -Australie et Canada notamment- souhaitent tourner la page.

L'UE martèle pour sa part son attachement aux acquis de Kyoto, tout en soulignant la nécessité de trouver un moyen d'intégrer les Américains, restés trop longtemps à l'écart.

Depuis plusieurs jours à Bangkok, où se poursuivent les négociations sous l'égide de l'ONU, la Chine accuse les pays du nord de changer les règles du jeu en essayant de tuer ce protocole. «Ce n'est pas une façon honnête de mener des négociations», fulmine Yu Qingtai, son ambassadeur climat.

Les États-Unis, traumatisés par un protocole qu'ils ont signé mais qui n'a jamais été ratifié par le Congrès, ont été on ne peut plus clair: «nous avons une proposition qui couvre de nombreux points contenus dans ce protocole, mais ce n'est pas Kyoto», a expliqué à l'AFP Jonathan Pershing, numéro deux de la délégation américaine.

Est-il, dès lors, possible de trouver un terrain d'entente ?

Selon Yvo de Boer, plus haut responsable du climat aux Nations unies, l'une des questions désormais débattue est de savoir s'il est possible «d'extraire certaines parties de Kyoto et (de) les mettre dans un nouvel accord».

Mais nombre de négociateurs redoutent que le modèle proposé par les Américains n'introduise une trop grande flexibilité et ne permette pas d'enrayer l'envolée du thermomètre planétaire.

«Les propositions américaines sur la table sont d'une ambition trop faible pour les pays développés», estime Emmanuel Guérin, de l'Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI).

Si elles étaient retenues, «cela reviendrait à afficher dans une partie du texte un objectif global pour limiter le réchauffement et, dans l'autre, simplement additionner ce que chaque pays peut faire», estime-t-il.

«On s'apercevra très vite qu'il y aura un décalage énorme entre les deux. C'est assez hypocrite».

Pour Dessima Williams, à la tête de l'Alliance des petits États insulaires (Aosis), qui redoutent d'être dévastés par la montée des eaux, parler de l'architecture de l'accord aujourd'hui, «c'est mettre la charrue avant les boeufs».

«Nous voulons des engagements rigoureux sur les réductions d'émissions (de gaz à effet de serre) et des financements adéquats pour l'adaptation», explique-t-elle.

Comment interpréter alors l'énergie déployée par les Américains pour présenter un accord déconnecté de Kyoto ?

«Peut-être que les États-Unis veulent faire oublier qu'ils n'ont pas encore d'efforts de réduction à nous proposer», répond Brice Lalonde, ambassadeur de France pour le climat.