Une fonte de la calotte glaciaire de l'Antarctique ferait monter le niveau des eaux océaniques de manière moins spectaculaire qu'on ne le pensait jusqu'ici, mais avec des effets tout aussi dramatiques, selon une étude publiée jeudi aux Etats-Unis.

S'appuyant sur de nouvelles mesures de la géométrie de la calotte glaciaire de l'Antarctique, des chercheurs britanniques et néerlandais estiment désormais que si elle disparaissait, l'élévation du niveau des océans serait de 3,2 mètres et non pas de cinq à sept mètres comme le prévoyaient de précédents travaux. Mais, selon cette étude publiée jeudi par le magazine Science, même une hausse d'un mètre du niveau des océans serait suffisamment importante pour affecter le champ de gravité terrestre dans l'hémisphère sud et modifier la rotation de la planète.

Ce changement de rotation entraînerait une accumulation de l'eau océanique dans l'hémisphère nord et pourrait se traduire par des différences importantes dans le niveau des différents océans, la plus forte élévation étant alors à attendre sur les côtes est et ouest des Etats-Unis.

 «Le schéma d'élévation du niveau des océans est indépendant de la rapidité et de la quantité de fonte de la calotte glaciaire de l'Ouest Antarctique», met en garde le principal auteur de la recherche, Jonathan Bamber, de l'université de Bristol en Grande-Bretagne.

 «Même si la calotte glaciaire de l'Ouest Antarctique ne contribuait qu'à une élévation d'un mètre du niveau des océans étalée sur de nombreuses années, le niveau des mers le long des côtes nord-américaines connaîtrait une élévation 25% supérieure à la moyenne», écrit-il.

L'Antarctique renferme environ neuf fois la quantité de glace du Groenland et est considéré comme une bombe à retardement pour le niveau des océans. La calotte glaciaire de l'Ouest Antarctique suscite des craintes particulières car elle est formée en grande partie de glace reposant sur des soubassements rocheux à l'intérieur des terres qui se trouvent en-dessous du niveau des océans.

De grandes surfaces de banquise flottante empêchent actuellement que cette glace n'atteigne l'océan, mais les scientifiques craignent que cela ne finisse par arriver si la banquise se détache.

Les chercheurs ne savent pas à quelle vitesse la calotte glaciaire antarctique risque de disparaître, mais si elle fond à un rythme constant pendant 500 ans, le niveau des océans augmentera de 6,5 millimètres par an, soit deux fois plus vite que le rythme actuel.

«Même si elle est moins importante que dans les prévisions antérieures, l'échelle d'instabilité est énorme», avertit Erik Ivins, de l'Institut californien de technologie, dans un article accompagnant l'étude.

«La masse totale gagnée par les océans (...) sera à peu près équivalente à la masse qui serait projetée sur terre par l'impact de 2.000 comètes de Halley», ajoute-t-il.

La situation est compliquée par le fait que le Groenland semble perdre encore plus de glace que l'Antarctique. Or, «il suffit que le Groenland perde la moitié de la masse perdue par l'Antarctique pour que l'effet soit équivalent sur les mouvements polaires, en raison de sa position plus éloignée du pôle», explique Erik Ivins.

L'accélération du mouvement de la glace dans la mer d'Amundsen, qui borde le continent antarctique et est en grande partie recouverte de banquise, est encore «plus inquiétante». «Si la ligne côtière de la calotte glaciaire est repoussée plus loin vers l'intérieur des terres, la glace qui repose sur des soubassements rocheux situés profondément en-dessous du niveau de l'océan pourrait devenir instable», écrit-il.