Présentés comme un bon moyen de lutter contre le changement climatique, les biocarburants sont de plus en plus vus par des experts comme une menace à la forêt tropicale qui joue un rôle majeur pour limiter les émissions de CO2 dans l'atmosphère terrestre.

«Des progrès importants avaient été faits contre la déforestation mais ce que nous voyons désormais avec ce boom des biocarburants c'est une menace grandissante pour la forêt tropicale», a expliqué samedi Holly Gibbs, une scientifique de l'Université Stanford (Californie, ouest).

«Il y a (de ce fait) une inquiétude croissante que l'augmentation de la production de biocarburants pourrait accroître les émissions nettes de CO2 plutôt que de les réduire», a-t-elle ajouté devant la presse à la conférence annuelle de l'American Association For the Advancement of Science (AAAS) réunie ce week-end à Chicago (Illinois, nord).

Avec des conditions climatiques et des sols propices à des cultures à haut rendement comme le soja, la canne à sucre et les palmiers à huile, les pays tropicaux (Brésil, Indonésie et Malaisie) ont répondu à la demande mondiale grandissante pour l'alimentation humaine, animale et les biocarburants en augmentant leur production, a expliqué la chercheuse.

La superficie des terres de culture dédié au soja au Brésil a augmenté de près de 15% par an depuis 1990. En Indonésie la production de palmier à huile a triplé depuis les années 90 et doublé entre 2000 et 2007, a-t-elle précisé.

Ce phénomène reflète en partie la hausse de la demande alimentaire mais les scientifiques pensent que la récente augmentation des superficies de cultures est en grande partie liée aux biocarburants.

La production mondiale d'éthanol a quadruplé et celle de biodiesel à décuplé entre 2000 et 2007, a relevé Holly Gibbs qui a présenté une étude à la conférence de l'AAAS sur les nouvelles terres de cultures dans ces pays.

Pour ce faire elle a analysé des images satellites recueillies entre 1980 et 2000 montrant que plus de la moitié des nouvelles terres cultivées proviennent du défrichement de zone de forêt tropicale intacte.

«C'est une préoccupation majeure pour l'environnement de la planète», a jugé cette spécialiste soulignant que les forêts tropicales sont les plus efficaces pour emprisonner le CO2 dont elles stockent plus de 340 milliards de tonnes. Ce tonnage équivaut à plus de 40 ans d'émissions de CO2 dans le monde provenant de la combustion d'hydrocarbure et de charbon.

Selon Michael Coe, chercheur du Woods Hole Research Center dans le Massachusetts (est), la politique énergétique américaine lancée par l'ancien président George W Bush, prévoyant de fortement augmenter la production d'éthanol à partir du maïs, contribue à la déforestation au Brésil.

Pour produire les 57 millions de litres annuellement d'ici 2020, les agriculteurs américains doivent cultiver plus de maïs et moins de soja, a-t-il expliqué devant la presse.

Les Etats-Unis doivent donc importer le soja du Brésil, premier producteur et exportateur mondial qui depuis 2007 a fortement accru les superficies pour en cultiver. «Une importante portion de ces nouvelles terres cultivées proviennent de la déforestation», a précisé cet expert.

«La réalité a-t-il estimé, c'est qu'on ne peut justifier de produire de l'éthanol aux Etats-Unis pour réduire les émissions de CO2 en provoquant de la déforestation au Brésil».

En revanche s'accordent à dire ces deux chercheurs, planter des cultures pour faire du biocarburant sur des terres agricoles appauvries et laissez en jachère a un impact positif sur l'environnement.