Les algues rouges aperçues ces dernières semaines dans le fleuve Saint-Laurent jusque dans le golfe sont, preuve scientifique à l'appui, responsables de la mort d'une centaine de mammifères marins et de milliers d'oiseaux retrouvés cet été sur les îles et les deux rives du fleuve.

«Selon les analyses de nos laboratoires validées à Halifax, nous avons trouvé des toxines des algues rouges dans les tissus de 30 des 35 organismes des premiers échantillons. C'est effectivement la marée rouge qui a causé la plupart des mortalités de ces mammifères et des oiseaux en mangeant du phytoplancton et des espèces pélagiques. Les mollusques, eux, filtrent l'eau et accumulent les toxines», a expliqué hier Michel Gilbert, directeur des sciences océaniques et de l'environnement à l'Institut Maurice-Lamontagne, Pêches et Océan Canada à Mont-Joli. L'interdiction de la cueillette des mollusques a été levée pour la Côte-Nord mais demeure toujours pour la rive sud à cause d'une toxicité encore présente mais en diminution.

«C'est difficile de dire si la nappe fera d'autres victimes par la chaîne alimentaire car tu ne peux pas empêcher, par exemple, un béluga de manger du capelan qui a été contaminé. La virulence de l'événement a été de courte durée puisque nous ne retrouvons maintenant que des carcasses dans un état de décomposition avancée.»

Cette marée rouge, souligne M. Gilbert, ne peut être contenue par des estacades puisque les algues contaminées se retrouvent jus­qu'à quatre ou cinq mètres sous la surface de l'eau.

L'étendue de ce phénomène plutôt exceptionnel sur plus de 300 kilomètres carrés peut poser indirectement la question de la consommation de poissons entrant dans la chaîne d'alimentation humaine. «Nous avons prélevé des échantillons de poissons de fond et nos spécialistes procéderont à des analyses sur ces sujets ces prochaines semaines pour voir si nous pouvons détecter la toxine.» Toutefois, les invertébrés (crabe, homard) ne sont pas affectés par cette toxine à cause d'un système nerveux différent de ceux des mollusques et des espèces pélagiques.

Phénomène naturel

«Ce sont des phénomènes naturels quand les conditions sont favorables comme les coups d'eau. Et toutes les floraisons d'algues ne déclenchent pas des marées rouges. Un chercheur de l'Université Laval développe actuellement un modèle de prévision d'apparition des algues rouges en tenant compte des conditions météorologiques et océanographiques...», a conclu le chercheur.

La nappe, qui a pris forme dans l'embouchure du Saguenay au début d'août, se serait fragmentée et diluée dans le nord-ouest du golfe Saint-Laurent.