Les autorités publiques enquêtaient toujours hier sur la mort mystérieuse de milliers de poissons dans la rivière Yamaska, à Saint-Hyacinthe. La Presse s'est rendue sur les lieux.

Une découverte macabre « J'en ai trouvé un gros ! », lance le jeune Frédérick à son frère, en empalant un brochet de 30 centimètres mangé par les mouches. Les deux garçons nettoyaient la berge des nombreuses carcasses de poissons hier après-midi. Une odeur nauséabonde se dégageait de l'endroit. « Tout est mort ! », s'exclame leur père Philippe Gentile, qui a sonné l'alarme jeudi soir auprès du ministère de l'Environnement. « J'étais allé à la rivière avec mes enfants comme on fait souvent. Il y avait des poissons à la surface. Ils étaient tous morts ! », raconte-t-il. Le Maskoutain n'avait jamais rien vu de tel en 10 ans, soit depuis qu'il habite sur le chemin du Rapide-Plat Nord, au nord du centre-ville de Saint-Hyacinthe. « Tout ce qu'on retrouve dans la Yamaska est mort : carpe commune, meunier noir, barbotte, barbue, achigan doré, perchaude, brochet. J'ai même vu des poissons de 10 kilos ! », énumère Philippe Gentile, consterné.

Intervention d'urgence du Ministère

Vendredi, une vingtaine de spécialistes de la Ville de Saint-Hyacinthe et d'Urgence-Environnement, qui relève du ministère de l'Environnement du Québec, ont ratissé la rivière Yamaska. Ils ont réalisé que les poissons gisant sur la berge n'étaient que la pointe de l'iceberg. « Les agents de la faune ont découvert plusieurs milliers de poissons morts. Ils étaient dans le fond de l'eau en état de décomposition avancée et décolorés. On peut penser qu'ils étaient morts depuis plusieurs jours », explique Christian Blanchette, coordonnateur régional d'Urgence-Environnement pour l'Estrie et la Montérégie.

Comment sont-ils morts ?

« On croit que c'est un mélange de facteurs », dit Christian Blanchette. L'expert d'Urgence-Environnement montre du doigt la diminution exceptionnelle du débit de la rivière Yamaska, qui est actuellement de 10 m3 par seconde, contre au moins 700 m3 par seconde au printemps. « Il n'y a pas d'eau et il a fait très, très chaud. Si les poissons ont été pris dans une fosse au milieu de la rivière avec un soleil de 32 degrés, ils sont morts. Ils ont manqué d'oxygène », explique-t-il. Seuls les résultats des analyses d'échantillons de carcasses permettront toutefois d'établir la cause exacte de leur mort.

Pas de déversement selon le Ministère

Les autorités publiques n'ont découvert aucune trace d'un déversement dans la rivière Yamaska. « Est-ce qu'il y a eu un déversement ponctuel qu'on n'a pas réussi à identifier ? Peut-être », précise M. Blanchette. Selon lui, le faible débit de la rivière a fortement nui à la circulation des sédiments rejetés par l'activité humaine et le système de traitement des eaux de la Ville. « Beaucoup d'industries agroalimentaires ont profité de la fin de semaine pour laver de l'équipement. On a une charge accrue des égouts pluvial et sanitaire. Avec un débit normal, ces résidus partent », explique-t-il.

Une mystérieuse croûte blanche

Benoît Lévesque habite depuis 20 ans sur le bord de la rivière Yamaska et n'adhère pas à l'hypothèse du Ministère. « Je vais à la pêche chaque semaine. Ce n'est pas la première fois que la Yamaska baisse comme ça et qu'il fait chaud. Ça arriverait tout le temps. Mais là, ça se produit alors qu'il y a une croûte pâteuse blanche à la surface de l'eau. Quand on la touche, ça dégage une odeur d'huile », soutient-il. La Presse a également observé cette mystérieuse boue blanche à certains endroits. « C'est comme de la graisse. C'est la première fois que je voyais ça », ajoute Philippe Gentile, qui avait repéré une énorme nappe de cette boue jeudi soir.

Une substance sans danger

Christian Blanchette ne croit pas que cette substance ait causé la mort des poissons. « Ce sont de petites grappes d'amoncellements de sédiments, de matières organiques et de gras. On retrouve souvent ce genre de matières dans le réseau d'égout pluvial et sanitaire. On ne devrait pas retrouver ça dans la rivière », dit-il. Au cours de sa carrière d'agent de la faune, Philippe Gentile a déjà testé le taux de toxines des poissons. Même s'il trouve « très plausible » l'hypothèse des autorités, il s'interroge sur la qualité de l'eau. « On dirait que c'est quelque chose qui a fui et qui a tué tout ce qui a des branchies. L'eau est peut-être toxique et on ne le sait pas », s'inquiète-t-il. Malgré tout, le Ministère et la Ville de Saint-Hyacinthe assurent que la qualité de l'eau potable distribuée est excellente.