Une étude menée par des groupes environnementaux conclut que le pipeline Énergie Est mettrait potentiellement en péril l'approvisionnement en eau potable de cinq millions de Canadiens.

Le Québec serait particulièrement vulnérable, avec 3,2 millions de personnes qui pourraient voir leur source d'eau potable affectée en cas d'accident.

Le groupe Environmental Defence a étudié le tracé proposé par la compagnie TransCanada, dont le projet Énergie Est vise à acheminer 1,1 million de barils de pétrole quotidiennement de l'Alberta jusqu'au Nouveau-Brunswick.

Il estime que près de 3000 lacs, cours d'eau et aquifères pourraient être contaminés en cas de déversement.

« Il s'agit d'une menace sérieuse qu'on demande à des millions de Canadiens d'accepter (pour un projet) qui leur profitera, somme toute, très peu », peut-on lire dans le rapport, pour lequel d'autres groupes comme Équiterre et Greenpeace ont collaboré.

Selon eux, puisque TransCanada prévoit transporter des quantités impressionnantes de brut, même une fuite de courte durée entraînerait des dégâts majeurs.

L'étude part du principe qu'un plan d'eau situé à 60 km ou moins du pipeline est de facto menacé. Le groupe a établi ce rayon, car il s'agit de la distance parcourue par le bitume lors de l'accident de Kalamazoo, au Michigan, en 2010.

« Je crois que les Canadiens devraient être inquiets de l'avenir de leur source d'eau potable. Il y a très peu de projets proposés au Canada qui ont ce niveau de risque pour l'eau potable au Canada », explique l'un des porte-parole d'Environmental Defence, Dale Marshall.

Il s'inquiète du fait que, pas plus tard qu'en début de semaine, TransCanada a dû fermer son oléoduc Keystone à cause d'une fuite dans le Dakota du Sud, aux États-Unis. La fuite a été détectée par un passant.

« Ce n'est même pas TransCanada qui a vu que ce déversement était en train de se produire (...). Ce n'est pas du tout rassurant », a-t-il dit.

Dix-sept bris de canalisation

Le rapport note d'ailleurs que le bilan n'est pas très reluisant chez cette compagnie albertaine, avec 17 ruptures de canalisation depuis 1992.

Le risque avec Énergie Est serait d'autant plus préoccupant que l'oléoduc servirait notamment à transporter du bitume dilué, particulièrement difficile à nettoyer en cas de déversement, car il coule au fond de l'eau après un moment. Il s'agit du même composé qui s'est déversé vers la rivière Kalamazoo en 2010. « Le bitume gisant au fond de l'eau a compliqué le nettoyage, il a fallu réaliser d'importants travaux de dragage, un procédé qui a duré des années et coûté plus d'un milliard », rappelle le rapport.

Du côté de TransCanada, on affirme prendre très au sérieux les préoccupations concernant la sécurité.

« Énergie Est sera équipé des technologies les plus avancées en termes de détection, combinées avec d'autres mesures de sécurité incluant la surveillance aérienne et terrestre et des programmes de sensibilisation des propriétaires », a indiqué son porte-parole Tim Duboyce.

Il ajoute que les tuyaux passant par un cours d'eau ou une zone sensible sont plus épais que d'habitude.

« Finalement, nous allons préparer des mesures d'urgence en collaboration avec les premiers répondants dans chacune des communautés sur le tracé d'Énergie Est, pour s'assurer que dans le très improbable cas d'un incident, nous serons prêts à agir rapidement afin d'assurer la sécurité de la population et de minimiser l'impact environnemental », a signalé M. Duboyce.

Au Québec, la première phase de consultation du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE) sur le projet Énergie Est s'est terminée le mois dernier.

L'autorisation pour le projet se fera toutefois à Ottawa. En janvier, le gouvernement libéral a prolongé de six mois le délai qu'il accorde à l'Office national de l'énergie (ONÉ) pour l'étudier, pour un total de 21 mois, en plus des six mois qu'il prendra lui-même pour l'analyser. Il est donc peu probable que TransCanada obtienne l'aval d'Ottawa pour son projet avant le milieu de 2018.