Cinq ans après les inondations dévastatrices du Richelieu, il reste du travail de terrain et de modélisation afin de mieux prévoir le prochain épisode.

C'est ce qu'indique la Commission mixte internationale (CMI), qui vient de rendre publics un projet de rapport ainsi qu'un jeu de cartes interactives des zones inondables de la vallée du Richelieu et du bassin du lac Champlain.

Ces cartes permettent de prévoir les terres qui seront inondées selon le niveau du lac. Onze scénarios sont présentés, et les inondations du printemps 2011 correspondent au septième scénario, même si on les considère comme un événement exceptionnel à l'échelle du millénaire.

« Pourquoi on va plus haut ? C'est très peu probable que ce scénario se réalise, mais s'il vente beaucoup ce jour-là, le niveau peut monter de 2 ou 3 pieds. Alors il faut en tenir compte », explique Pierre-Yves Caux, directeur science et ingénierie de la CMI.

Il souligne que la surveillance du vent est en effet un des éléments à améliorer si on veut avoir véritablement un modèle prédictif. La CMI recommande d'ailleurs d'installer un anémomètre dans la baie Missisquoi.

La CMI a aussi constaté que les données bathymétriques - le relief du fond de l'eau - sont complètement désuètes sur 75 kilomètres, entre le bassin Chambly et l'embouchure du Richelieu à Sorel.

« Les données bathymétriques sont carrément fausses et on demande leur mise à jour, dit M. Caux. La rivière s'est approfondie d'environ deux mètres à environ 7 km en amont de Sorel. Il faut aller rechercher ces données parce que cela change complètement l'écoulement de l'eau. »

Manque à gagner de deux millions

Jusqu'ici, la CMI a réussi à uniformiser l'information des deux côtés de la frontière. Elle a aussi raffiné la cartographie du Richelieu du lac Champlain jusqu'à Chambly, entre autres en réalisant des relevés de plantes aquatiques.

Il manquerait cependant encore 2 millions pour obtenir toutes les données et tous les instruments permettant de prédire les prochaines inondations, compte tenu des prévisions météorologiques.

« Une fois qu'on a toutes les composantes du système, on peut avoir des modèles pour avoir des bonnes prédictions. », dit Pierre-Yves Caux.

Le modèle permettra aussi de juger de l'efficacité éventuelle d'installations de contrôle des crues.

Si la CMI ne se prononce pas sur la nécessité d'un tel ouvrage, François Brissette, professeur à l'École de technologie supérieure, croit qu'il n'est pas requis.

« Il y a des gens le long du Richelieu qui veulent un barrage, à tort ou à raison - à mon avis à tort, dit-il. Et les gens au Vermont n'en veulent pas. »

M. Brissette et ses chercheurs associés ont publié deux études sur les inondations de 2011.

La première a conclu que cette inondation avait une période de récurrence bien au-delà du millénaire : elle a été causée par des pluies printanières exceptionnelles qui surviendraient tous les 700 ans environ. Et le couvert de neige était tel qu'on ne le voit qu'une fois tous les 15 ans.

La seconde étude a conclu que les changements climatiques ne devraient pas augmenter le risque de revoir une inondation comme celle de 2011. « Le couvert de neige devrait aller en décroissant, et les précipitations sous forme de pluie pourraient augmenter, mais au total, le risque n'augmente pas », dit-il.

La CMI en bref

Créée en 1912, la CMI est l'organisme canado-américain de gestion des cours d'eau communs aux deux pays. Elle a été créée par le Traité sur les eaux limitrophes, signé en 1910. Elle voit à l'application de l'Accord sur la qualité de l'eau des Grands Lacs et certains aspects de l'Accord Canada-États-Unis sur la qualité de l'air.