Grâce à une nouvelle technique d'analyse d'ADN, des chercheurs ont découvert que la plus grande partie du trafic illégal d'ivoire provient depuis ces dernières années du braconnage des éléphants dans principalement deux régions d'Afrique.

«Le fait de savoir désormais que l'essentiel de ce commerce transnational se situe principalement dans deux zones --l'une où sont chassés les éléphants de forêt et l'autre ceux de la savane--, permet d'y concentrer les efforts des autorités et d'éliminer la plus grande partie du braconnage», estime le professeur Samuel Wasser, professeur de biologie de l'Université de Washington à Seattle, principal auteur de cette recherche publiée jeudi dans la revue américaine Science.

Environ 50 000 éléphants africains sont abattus chaque année, soit près de 10% de leur population totale, a-t-il précisé, soulignant l'urgence à agir pour éviter l'extinction de ces animaux.

Ces chercheurs ont déterminé que plus de 85% des défenses d'éléphant de forêt interceptées entre 2006 et 2014 venaient du TRIDOM en Afrique centrale, une zone protégée s'étendant entre le Cameroun, le Congo et le Gabon.

Et plus de 85% de l'ivoire d'éléphants de savane saisi entre 2006 et 2014 provenait d'Afrique de l'Est, surtout de la réserve de Selous Game dans le sud-est de la Tanzanie ainsi que de la réserve Niassa dans le nord du Mozambique.

En 2011, le point chaud du braconnage des éléphants de savane a commencé à se déplacer vers le nord en direction du parc national de Ruaha et la Rungwa Game en Tanzanie, se rapprochant graduellement du Kenya.

L'une des plus grosses saisies contenait de l'ivoire des deux grandes régions de braconnage, suggérant un lien entre les principaux trafiquants qui sévissent dans ces régions.

Les différentes enquêtes et analyses montrent un déplacement des lieux de braconnage les plus actifs à partir de 2006.

De 1996 à 2005, la plus grande partie des défenses d'éléphant de forêt venaient de l'est de la République Démocratique du Congo, mais depuis 2005, aucune saisie d'ivoire de cette région n'a été réalisée, selon le professeur Wasser.

Pionnier

Ce dernier est considéré comme le pionnier en matière de recours à la génétique pour combattre le braconnage des espèces exotiques menacées.

Il a élaboré avec son équipe une banque d'ADN d'éléphants surtout à partir de bouses collectées partout en Afrique, établissant une carte de la population.

Ces scientifiques ont aussi pu extraire l'ADN de l'ivoire saisi qu'ils ont pu faire correspondre aux 1.500 génotypes uniques de cette collection, et ainsi déterminer l'origine de ces défenses.

Son laboratoire obtient des échantillons d'ivoire des saisies depuis 2005. Leur nombre a très fortement augmenté depuis que le Fonds international pour la protection des animaux a décidé en 2013 que tous les lots importants de défenses saisis devaient être soumis à une analyse d'ADN pour en déterminer les origines.

Ces chercheurs ont appliqué leur technique génétique pour analyser l'ivoire provenant de 28 grandes saisies faites entre 1996 et 2014, d'un poids de plus d'une demi-tonne chacune.

Les importantes quantités d'ivoire saisies sont généralement le fait d'organisations criminelles organisées, et une partie des profits finance des groupes extrémistes africains, ont déterminé ces chercheurs.

Le plus grand marché pour l'ivoire, dont le commerce est illégal depuis 1989, est la Chine avec plus de 70% de la demande mondiale.

Sous le feu des critiques internationales, Pékin avait annoncé en février 2015 une interdiction d'un an à l'importation d'ivoire ouvragé -- une mesure jugée «symbolique» par des ONG, selon qui l'essentiel de la contrebande porte sur l'ivoire brut.

En décembre dernier, l'ONG Save the Elephants et la fondation Aspinall évaluaient à plus de 100.000 le nombre d'éléphants tués entre 2010 et 2012, en raison d'un commerce chinois en pleine expansion.

Selon ces ONG, le prix de l'ivoire brut en Chine -- où il fait aussi partie de la pharmacopée traditionnelle -- a bondi de l'équivalent de 750 dollars le kilo en 2010 à 2100 dollars en 2014.

Cette forte demande pour l'ivoire permet à un braconnier en Afrique de gagner 3000 dollars pour une paire de défenses d'éléphant, soit plus que le salaire annuel de nombreux Africains, a précisé jeudi Bill Clark de l'unité de lutte contre les crimes de l'environnement d'Interpol et un des coauteurs de l'étude.