À l'approche du Symposium mondial sur l'uranium, qui s'ouvrira demain à Québec, les opposants au développement de cette filière minière se réjouissent de l'obtention d'un appui de taille: Naoto Kan, premier ministre japonais en poste lors de l'accident nucléaire de Fukushima, exhorte le Canada - comme l'ensemble des pays du monde - à tourner le dos à l'énergie nucléaire.

«J'étais pourtant convaincu que le Japon ne connaîtrait jamais ce type de tragédie, puisque nos normes technologiques étaient optimales. J'assumais donc entièrement l'utilisation du nucléaire. Cependant, l'accident de Fukushima m'a fait prendre conscience que j'avais tort», tranche Naoto Kan, dans une vidéo qui sera diffusée lors du Symposium et que La Presse a obtenue en exclusivité.

Ce point de vue de l'ancien premier ministre est cohérent avec les opinions qu'il partage depuis près de trois ans. «L'accident m'a convaincu: la meilleure façon de rendre les centrales nucléaires sécuritaires, ce n'est pas d'en dépendre, mais bien de s'en débarrasser», affirmait-il déjà, en 2012, devant un panel chargé d'enquêter sur la réponse gouvernementale à l'accident nucléaire.

Or la vidéo met en relief un nouvel aspect de la réflexion de Naoto Kan, qui «regarde maintenant l'ensemble de la chaîne nucléaire», selon Ugo Lapointe, coorganisateur du Symposium mondial sur l'uranium.

L'uranium «lié à l'armement nucléaire»

«La question de l'uranium est étroitement liée à celle de l'armement nucléaire», avance celui qui a dirigé le Japon entre juin 2010 et septembre 2011. «Cela peut aussi provoquer d'importants dommages, à l'instar des centrales nucléaires, poursuit-il. Pour le bien de l'humanité, il faut éviter l'utilisation de l'uranium, d'autant que nous pouvons produire de l'énergie autrement.»

Naoto Kan admet que le Japon aura à utiliser davantage de pétrole et de gaz naturel «pendant un temps» s'il souhaite se défaire de sa dépendance au nucléaire. Mais il se dit «convaincu que dans 5 ou 10 ans, la production d'électricité verte équivaudra à celle du nucléaire, et qu'à long terme, nous pourrons cesser l'utilisation de combustibles fossiles».

Depuis la mise à l'arrêt de son dernier réacteur encore en fonction, en septembre 2013, le Japon n'utilise plus l'énergie nucléaire, malgré des efforts répétés visant à relancer ce secteur d'activité. Plus de 100 000 personnes sont toujours évacuées, quatre ans après l'accident nucléaire de Fukushima. À lui seul, le démantèlement de la centrale nucléaire devrait prendre 40 ans.

Au Québec, l'exploitation de l'uranium suscite la controverse, principalement chez les groupes environnementaux, les médecins et les autochtones, qui seront tous représentés au Symposium mondial sur l'uranium. Le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE) doit déposer son rapport sur les enjeux liés à la filière uranifère au Québec au plus tard le 20 mai.