Le Forest Stewardship Council (FSC), responsable des normes qui ont résulté en la suspension des certifications environnementales de Produits forestiers Résolu pour de vastes territoires au Saguenay-Lac-Saint-Jean, somme publiquement la multinationale québécoise de cesser ses attaques envers lui. À défaut de quoi l'entreprise s'expose à des sanctions pouvant aller jusqu'à la révocation de tous ses certificats FSC, au Québec et ailleurs.

«C'est du jamais vu à l'échelle internationale qu'un membre agisse de la sorte et porte atteinte à notre crédibilité et à notre intégrité», a dit en entrevue le président de FSC-Canada, François Dufresne. «Je ne veux pas prétendre que c'est ce que décidera notre conseil d'administration quand il se réunira la semaine prochaine, mais oui, ça peut aller jusqu'à la désassociation.»

Résolu a annoncé le 5 mars la fermeture d'une des trois machines de son usine de papier d'Alma, au Lac-Saint-Jean, et l'abolition de 85 postes. L'entreprise a attribué cette décision en partie à Greenpeace et à d'autres organisations écologistes. Celles-ci font pression auprès de clients, comme Best Buy ou 3 M, pour qu'ils cessent de s'approvisionner chez Résolu tant que la papetière n'aura pas retrouvé sa certification pour les forêts du Lac-Saint-Jean et de Mistassini-Péribonka.

L'une de ces certifications est suspendue depuis la fin de 2014, et l'autre, expirée, en raison d'une série de «non-conformités» relatives notamment à la protection du caribou forestier et à l'exploitation de la forêt sur des terres autochtones - deux enjeux qui relèvent du gouvernement québécois, selon Résolu.

Attaques multiples

Dans la mise en demeure envoyée au président et chef de la direction de Résolu, Richard Garneau, le directeur général de FSC, Kim Carstensen, note qu'au cours des derniers mois, l'entreprise a multiplié les attaques dans les médias contre la crédibilité de son organisation. Il lui reproche notamment les propos qu'il a tenus dans une entrevue télévisée, le 11 mars. «Vous avez insinué que la suspension des certificats FSC de votre société par le certificateur s'expliquait par la pression indue exercée par Greenpeace. Nous ne pouvons plus tolérer de tels incidents.»

Il dit aussi avoir pris connaissance de communications de Résolu envoyées à ses employés et à des élus québécois «dans lesquelles le portrait fait du FSC était celui d'un organisme non crédible, précaire et biaisé en faveur de certains groupes d'intérêts». De fait, La Presse a pu lire un courriel que M. Garneau a envoyé à plusieurs élus du Saguenay-Lac-Saint-Jean, la semaine dernière. «La motion 65 [adoptée par l'assemblée de FSC l'an dernier sur proposition de Greenpeace, elle vise à protéger les dernières grandes forêts intactes de la planète] démontre que Greenpeace a une influence énorme sur les standards FSC. Est-ce un risque acceptable d'embrasser une norme qui est contrôlée par cette organisation?», demande-t-il.

Le directeur principal, affaires publiques, de Résolu, Karl Blackburn, assure qu'«il est clair que FSC est un processus indépendant». Il souligne par ailleurs que «l'entreprise est le plus important détenteur de certifications FSC au Québec et l'un des plus importants dans le monde». «On le promeut et on en est fier. Mais les deux raisons principales qui ont mené à la perte et à la suspension de nos certifications sont des éléments qui sont malheureusement hors de notre contrôle.»