Des scientifiques soutiennent que l'usage répandu de deux types de pesticides tue des abeilles et d'autres insectes, et nuit à l'environnement en général.

Le comité de 50 scientifiques rassemblés au sein du Groupe de travail sur les pesticides systémiques soutient que l'usage de ces pesticides devrait être éliminé graduellement. Mais entre-temps, il presse les organismes de réglementation à resserrer les normes sur leur utilisation.

Les conclusions du comité ont été dévoilées alors qu'une nouvelle étude par le groupe Les Amis de la Terre montrait, mercredi, qu'un nombre important de plantes supposément bonnes pour les abeilles et vendues dans des magasins de jardinage dans 18 villes à travers le pays et les États-Unis sont contaminées par les «néonics».

Des inquiétudes quant à l'usage des néonicotinoïdes et du fipronil (ou néonics) sont soulevées depuis une vingtaine d'années. Mais le comité affirme que l'étude longitudinale de 800 recherches offre maintenant des preuves concluantes que ces pesticides causent l'élimination massive d'abeilles et de papillons, essentiels à la pollinisation.

L'étude montre aussi que ces produits posent un risque important aux vers de terre et aux oiseaux, et nuisent à l'écosystème planétaire.

Les impacts sur l'environnement ne doivent pas être minimisés, a exposé le docteur Jean-Marc Bonmatin, du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) en France, l'un des auteurs principaux de l'étude longitudinale.

«Bien loin de protéger la production alimentaire, l'usage de néonics menace l'écosystème qui permet cette production, mettant en péril les pollinisateurs, les techniques de gestion des habitats et les méthodes naturelles de lutte contre les parasites», a fait valoir M. Bonmatin, mercredi, en conférence de presse à Ottawa.

Le chercheur a fait état d'études menées en Italie qui montrent, selon lui, que les cultures agricoles avaient en fait pris de l'ampleur après l'interdiction des néonics.

Les néonics sont des pesticides préventifs étendus sur les cultures ou enrobés sur les graines avant qu'elles ne soient semées. Ils représentent environ 40% du marché des insecticides, avec des ventes mondiales de près de 3 milliards $ en 2011.

Ces pesticides sont récupérés par des insectes tels que les abeilles et les papillons lorsque les plantes les absorbent dans leurs feuilles, fleurs, pollen et nectar.

«En tant que scientifiques indépendants, nous pouvons maintenant affirmer qu'il existe suffisamment de preuves évidentes de préjudices pour instaurer des mesures règlementaires», a soutenu Madeleine Chagnon, coauteure de l'étude du Groupe de travail sur les pesticides systémiques et professeure associée au département des sciences biologiques de l'Université du Québec à Montréal.

Santé Canada a déjà dit surveiller les cultures cette saison et indiqué qu'il pourrait imposer des restrictions à la suite d'une évaluation consciencieuse des impacts des pesticides. Entre-temps, le ministère a recommandé des mesures pour minimiser l'exposition des abeilles aux néonicotinoïdes, incluant la réduction de poussière du maïs enduit et des graines de soya, et l'offre de «pratiques plus sécuritaires» en matière de plantation de semences.

Mais la ministre de la Santé, Rona Ambrose, a aussi affirmé que les études menées par son ministère n'avaient pas été «concluantes» jusqu'à maintenant concernant l'impact de ces pesticides.

À la lumière du dévoilement de l'étude du Groupe de travail sur les pesticides systémiques, des groupes environnementaux au pays - dont Équiterre et la Fondation David Suzuki - ont demandé à nouveau mercredi aux gouvernements du Canada et des provinces d'interdire l'usage de cette classe de pesticides.

La Commission européenne a annoncé un moratoire sur certains usages des néonics en 2013, et il est temps que le Canada fasse de même, a fait valoir Lisa Gue, analyste des politiques en santé environnementale à la Fondation David Suzuki.

«Les résultats probants de cette nouvelle étude commandent de repenser l'approche nonchalante du Canada envers les néonics. Il faut stopper l'entrée de ces substances chimiques dans l'environnement», a soutenu Mme Gue par communiqué.

Les Amis de la Terre ont dit croire qu'il était peut-être déjà trop tard. Une nouvelle étude menée par le groupe a montré que 60% des plantes de jardin privé supposément bonnes pour les abeilles vendues dans des magasins de London, en Ontario, étaient prétraitées avec des pesticides néonicotinoïdes. Des échantillons de plantes ont aussi été recueillis auprès de détaillants à Montréal et Vancouver.

Le groupe a testé des calibrachoas, des gerberas de Jameson, des marguerites Shasta et des pélargoniums zonales («géraniums»). Toutes ces espèces, à l'exception des pélargoniums, comportaient un certain niveau de pesticides néonics.